Les fluctuations du blé dur fragilisent l'industrie
Comme pour toutes les céréales, l'année 2007 a été agitée et fluctuante pour la filière blé dur. «Depuis le début de la campagne de commercialisation 2007-2008, les cours mondiaux ont explosé, passant de 280 US$/t en juin dernier à plus de 800 US$/t fin décembre», explique Xavier Rousselin, de l'ONIGC (Office national interprofessionnel des grandes cultures). Au Canada, premier producteur mondial, les prix du blé dur sont globalement deux fois plus élevés que ceux du blé tendre, ce qui n'était jamais arrivé auparavant.
Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout d'abord, la baisse de la production mondiale qui a perdu un million d'hectares depuis 2003. La récolte est passée de 40,5 Mt en 2004 à 34,2 Mt en 2007. Les stocks américains, canadiens et européens, estimés à 1,7 Mt Il n'existe pas de données sur les stocks des autres pays., ont atteint leur niveau le plus bas depuis 40 ans. A cela s'ajoute une qualité hétérogène du blé dur récolté dans l'UE, notamment due à des conditions climatiques difficiles. Parallèlement, l'explosion des cours n'a pas eu d'effet sur les volumes consommés, en Europe, où pâtes et couscous demeurent bon marché, ni dans les pays du Maghreb, où des systèmes de régulation ont été mis en place (suppression des droits de douanes au Maroc ; achat du blé au cours du marché, par l'Office algérien interprofessionnel des céréales, qui le revend aux semouleries à un prix beaucoup plus bas ; subventionnement de la vente au détail des pâtes et du couscous, en Tunisie). «Ces mesures de régulation des marchés tendent à rendre la consommation nord africaine plus ou moins insensible à la forte variation des cours mondiaux et, par la même, la facilitent», indique l'ONIGC.
Absence de visibilité sur le marché mondial
A cela s'ajoutent une concentration, en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada et Mexique), de 75 % du disponible exportable et une faible concurrence sur le marché mondial, du fait que le Canadian Wheat Board détient à lui seul, selon les années, entre 50 et 65 % des parts du marché (65 % en 2006-2007, 55 % prévus en 2007-2008).
Ainsi, le prix du blé dur multiplié par trois en quelques mois, a fragilisé l'industrie pastière et semoulière française, qui n'a pas répercuté cette augmentation sur les produits finis. «Les industriels subissent une crise économique et financière sans précédent qui les fragilise fortement, confie Christine Petit, du Comité français de la semoulerie industrielle. Il n'y en a pas un qui ne va pas finir l'année en négatif. Notre absence de visibilité est totale sur le marché mondial, mais aussi en ce qui concerne la constance de la production française et la pérennité de nos approvisionnements qui risquent de dépendre du Canada. Nous voulons mettre en place un nouveau mode de contractualisation avec les producteurs, afin de favoriser le développement de la production européenne.»
Les spécialistes de la filière s'accordent à dire que les prix élevés pratiqués cette année pourraient entraîner une hausse de la production mondiale. Le Canada devrait augmenter ses surfaces de 25 % et les Etats-Unis suivraient, malgré une vive concurrence du maïs sur les terres disponibles. En UE, suite à la décision de supprimer les jachères, l'Espagne et l'Italie devraient également progresser. En France, le développement de la culture est plus incertain, vu les déboires climatiques de 2007, année qui, malgré une augmentation des surfaces cultivées (+ 5 000 ha en 2007) s'est soldée par une baisse de la production de 2,11 à 1,99 Mt et une qualité souvent médiocre.
Enfin, si la chute des surfaces mondiales est stoppée en 2008, l'équilibre des marchés devrait être meilleur, et les prix ramenés mécaniquement à un niveau plus bas. En outre, l'augmentation du coût des transports et notamment du fret maritime devrait favoriser les marchés de proximité. Un atout pour les exportations européennes vers le Maghreb, moins pénalisées que celles d'Amérique du nord.