Les éleveurs de Roquefort s’opposent à Lactalis
Un nouveau conflit oppose les producteurs de lait de brebis du rayon de Roquefort au groupe Lactalis, propriétaire de la société des caves de Roquefort (marque Société), qui produit 70 % du roquefort. Lactalis a, en effet, en projet d’utiliser, dès le printemps prochain, la marque Société pour commercialiser son bleu des Causses préemballé, jusqu’ici vendu sous l’appellation Beulet, marque générique de produits de Savoie, attribuée au bleu pour des questions « d’harmonisation de gamme ». Même s’il s’agit aussi d’une AOC, les éleveurs aveyronnais voient d’un mauvais oeil l’utilisation de leur marque phare pour un autre fromage, qui plus est au lait de vache.
« Il s’agit simplement de sauver la production de bleu des Causses dont le tonnage a beaucoup diminué (600 t/an, dont 85 % produites par Lactalis) et de lui donner une chance de remonter, grâce à une marque possédant une forte notoriété sur l’Hexagone, explique Luc Morelon, responsable communication chez Lactalis. Il ne faut pas s’en tenir au strict point de vue aveyronnais, mais se situer par rapport au marché global des pâtes persillées et relativiser. La production totale de bleu des Causses n’atteint pas 10 % de celle du roquefort et l’étiquetage de bleu Société concernera uniquement le préemballé, ce qui représente un tonnage très marginal, par rapport au roquefort Société. »
« Une stratégie de marque à visée industrielle »
« Cette démarche s’inscrit dans une stratégie bien orchestrée par Lactalis, qui avait promis de respecter le “roi des fromages” au moment du rachat de Société, et qui, depuis 2000, passe d’une stratégie de produit défendant une région, à une stratégie de marque à visée industrielle, rétorque Laurent Reversat, représentant du SPLB (Syndicat des producteurs de lait de brebis) au sein de l’interprofession du roquefort. Utiliser la marque Société pour relancer l’AOC bleu des Causses à moindre coût n’est pas une bonne chose. Tout d’abord, parce que le bleu mérite que l’on crée une marque portant sa propre identité. Ensuite, parce qu’il y a un risque de confusion, pour les consommateurs, entre les deux fromages et de report des achats sur le bleu qui est vendu moins cher que le roquefort. Si le bleu est un mauvais produit, il va tirer l’image de Société vers le bas, et si c’est un bon produit, il va faire de la concurrence au roquefort. Dans les deux cas, l’idée est mauvaise. »
Les éleveurs, qui semblent unis autours de ces revendications, ont organisé une opération d’information des consommateurs dans un hypermarché de Millau et ont demandé rendez-vous à Emmanuel Besnier, le p-dg du groupe. En attendant, Lactalis rappelle que le bleu de brebis Lou Pérac, dont le lancement avait lui aussi été conflictuel en 2006, est « en train de trouver sa clientèle, sans avoir fait baisser les ventes de roquefort » et représente en cela « un débouché supplémentaire pour le lait de brebis, s’appuyant sur une marque à notoriété nationale », même si aucun chiffre n’est donné.