Les discours et la vraie vie
Jean-Pierre Raffarin présentait hier un nouveau plan d’aides au commerce de proximité. Il se trouve que l’un de ces commerçants dont le Premier ministre s’enorgueillit d’être le défenseur nous a appelé, vendredi. A 65 ans, ce boucher de Bonnieres sur Seine, dans les Yvelines quittera le métier à la fin du mois de mars. C’est avec beaucoup d’émotion dans la voix qui me l’annonce. Forcément, lorsque l’on a consacré 50 ans de sa vie à une entreprise qu’on a soi-même hérité de son père, la page est difficile à tourner. Elle l’est d’autant plus lorsque l’on sait que le rideau de fer ne s’ouvrira sans doute plus jamais sur une boucherie, dans ce village de banlieue qui n’en comptait pourtant que deux. Car cela fait trois ans que ce fidèle abonné des Marchés, dont nous avions eu l’occasion de remarquer l’inventivité, essaye sans succès de céder son fonds de commerce. La qualité de son travail et de son service était pourtant irréprochable et ses clients le lui rendaient bien. Ses installations lui valaient les compliments des services vétérinaires. Mais voilà, les clients auront beau le regretter, ils iront désormais dans la grande surface la plus proche, l’une de celles qui se livrent une guerre des prix de plus en plus impitoyable, attisée par les dirigeants des grandes enseignes et encouragée par les pouvoirs publics. La fermeture de la boucherie de la Place Marcel Sembat ne réjouit pas ses concurrents du canton, qui sentent se rapprocher le vent du boulet. Fort heureusement, l’histoire n’a rien d’un drame et notre boucher se prépare une heureuse et active retraite. Mais son histoire symbolise trop le désarroi du commerce de proximité français pour qu’on ne la relève pas. Au revoir et à bientôt, monsieur Hocdé.