Les deux rives
Les Assises de l’Agriculture organisées cette semaine par le ministère de l’Agriculture et le Sénat n’ont pas plu à tout le monde. Pas seulement parce que les responsables syndicaux agricoles étaient absents de la tribune (ils étaient dans la salle, par ailleurs peu garnie). Mais aussi parce que les agriculteurs y ont été présentés comme des chefs d’entreprise et des «managers», bref dans la seule dimension économique de leur métier. Une vision qui n’est manifestement pas partagée par tous. Dans ce contexte, le sondage IPSOS présenté à l’occasion des Assises et confrontant le point de vue des agriculteurs et des consommateurs fait apparaître la permanence de ce hiatus : des Français « attendant des produits de qualité et de terroir » et « nostalgiques de la cour de ferme de la IIIe République », et de l’autre des agriculteurs attachés à user de leur compétence technique et attachés à la compétitivité. Les deux points de vue sont-ils définitivement irréconciliables ? Peut-être pas après tout, si tout du moins chacun fait un pas en direction de l’autre. Si l’agriculture française se fixe comme priorité la reconquête de valeur ajoutée, plutôt que les gains de productivité : l’essentiel de ces progrès sont acquis et font d’ores et déjà de l’agriculture française l’une des plus performantes au monde. Quant aux Français, il leur reste à intégrer tout ce que les progrès de l’agriculture française lui ont fait gagner dans leur porte-monnaie. De là à obtenir une reconnaissance morale, il ne faut pas rêver. Devant un rayon de grande surface, le consommateur fait plus de bonnes affaires que de bons sentiments.