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Les appellations d’origine en quête du « bon » contrôle

L’ouverture du contrôle des AOC à des organismes «privés» constituerait une petite révolution. Les professionnels jugent que ces structures devront adapter leurs pratiques aux particularités des appellations.

Le recours à des organismes certificateurs pour contrôler le respect du cahier des charges des appellations d’origine contrôlée (AOC) suscite de sérieuses réserves de la part des professionnels concernés. C’est en tout cas ce que l’on a pu constater lors de la table ronde organisée samedi 6 mai à Cambremer sur l’avenir des contrôles des appellations, en ouverture du festival des AOC organisé chaque année dans ce petit village du Pays d’Auge. Un débat particulièrement brûlant. On sait en effet (lire Les Marchés du 9 mai dernier) que les ordonnances en cours de rédaction laisseront le choix aux producteurs d’être contrôlés par un organisme agréé, émanation plus ou moins directe des syndicats de défense, ou par des organismes certificateurs pour qui les AOC deviendraient un nouveau « marché ».

Plusieurs spécialistes de différentes filières intervenus à cette table ronde ont souligné que les appellations d’origine contrôlée, par leur diversité, pouvaient difficilement se soumettre à un contrôle purement normatif. « Le contrôle, c’est du normatif : on s’assure de la conformité du produit à des normes. Mais ça n’inclut pas le savoir des hommes», a notamment estimé Claude Béranger, chercheur à l’Inra et président de la Commission d’enquête de l’Inao sur l’agneau de pré-salé de la Baie de Somme et du Mont Saint-Michel. « Dans le cas des AOC, il y a un droit à la variété, à la variabilité. La démarche ISO, par exemple, c’est du contrôle étape par étape, point par point. Alors que pour l’AOC ce qui compte, c’est de définir ce qui est important : il faut que les organismes chargés du contrôle soient capables d’apprécier si ce produit appartient à la “famille AOC”. C’est pourquoi selon moi, le contrôle interne est sans doute le plus important. En fait, le rôle du contrôle externe devrait se limiter à vérifier que le contrôle interne s’exerce loyalement et correctement».

Gérard Boesch, viticulteur en Alsace et président de la Commission d’agrément des vins au sein de l’Inao, a abondé dans ce sens. S’il a reconnu que les AOC devaient «apporter un plus haut niveau de garantie aux consommateurs» (une exigence rappelée par Olivier Andrault, de l’UFC-Que Choisir ?), le représentant des viticulteurs a estimé que «confier la mission de contrôle à des organismes extérieurs» serait «un peu une démission». «Les producteurs doivent assumer eux-mêmes cette mission de contrôle, même si la responsabilité est lourde».

Un choix plus complexe qu’il n’y paraît

Concrètement, le choix pourrait cependant se révéler plus complexe qu’il n’y paraît. Albéric Valais, président du syndicat de la jeune appellation bovine Maine-Anjou a expliqué qu’il opterait pour un organisme certificateur " pour la mission d’inspection de notre système d’auto-contrôle. « Nous sommes une AOC isolée. Nous n’aurons pas les moyens de créer notre organisme agréé tout seul», a-t-il expliqué.

Extérieur à ce débat qui agite le monde des AOC françaises, Frédéric Brand, président du syndicat des AOC-IGP suisses, a indiqué que ce pays avait fait le choix « il y a 10 ans » de la certification, mais en prenant un certain nombre de précautions. « Avec notre expérience, je pense qu’il est bon de n’agréer qu’un organisme par filière. Dans ce domaine, la concurrence ne joue pas en faveur de la qualité». « Nous avons tenu compte de la typicité particulière de l’AOC et nous avons adapté des procédures», a-t-il expliqué, notamment en aménageant la norme 45011, qui encadre l’activité des organismes certificateurs.

L’adaptation, si ce n’est de la réglementation, au moins des pratiques des entreprises de certification, est apparue comme l’exigence principale des professionnels réunis à Cambremer. « L’important, ce sera de préserver l’essentiel de ce qui fait les AOC, a conclu Claude Béranger, de l’Inra. Pour cela, il faudra soit que les organismes certificateurs s’adaptent au sein du Comité d’agrément et de contrôle de l’Inao, soit qu’ils soient seulement en charge de l’inspection de l’autocontrôle».

Ces choix devront être faits rapidement. L’ordonnance réformant le fonctionnement de l’Inao sera transmise par le ministère de l’Agriculture au Conseil d’Etat «fin mai début juin», a indiqué Sophie Villers, la nouvelle directrice de l’Inao. Elle sera votée à la rentrée («en septembre ou en octobre») a-t-elle précisé. « En tout état de cause, et qu’on opte pour un organisme agréé ou un organisme certificateur, c’est l’Inao qui reste le responsable final», a-t-elle cependant tenu à rappeler.

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