L’emmental va devoir s’exporter
À l’occasion de la 3 e assemblée générale du jeune SFPP (Syndicat des fromages à pâte pressée), un tableau plutôt optimiste a été dressé par Erhard Richarts, chef de la division lait de la ZMP (Office Allemand d’études économiques). D’après ses prévisions, le marché des fromages « devra inéluctablement augmenter ses prix pour ne pas être à la traîne des autres produits laitiers », notamment des poudres. Ces déclarations avaient de quoi faire espérer des jours meilleurs aux fabricants d’emmental, qui affrontent en France une situation difficile.
Les volumes stagnent depuis plusieurs années tandis que les prix chutent régulièrement (voir LM n° 95). Pour le moment, l’envolée des prix du lactosérum, coproduit obtenu lors de la fabrication de l’emmental, assure des gains aux fabricants. Son cours est d’environ 3 700 euros la tonne, quand il ne dépassait pas 2 200 euros les années précédentes. « Nous sommes dans une conjoncture laitière exceptionnelle » a noté Étienne Morel, président du SFPP, qui met cependant en garde les producteurs. « Il se peut que le prix du lactosérum serve à baisser le prix de l’emmental. Mais ce serait un comportement suicidaire », surtout en cas de retournement de conjoncture. Pour 1 000 litres de lait, la valorisation totale (emmental + lactosérum) a d’ailleurs fondu de 443 euros en 2002 à 409 euros en 2006. Il reste à trouver des débouchés hors de frontières, le consommateur français étant déjà un acheteur important.
Depuis aujourd’hui, les barrières douanières sont tombées entre la France et la Suisse concernant le fromage, ce qui pourrait générer un courant d’affaires. Et à l’échelle européenne, le marché du fromage aborde sa troisième année de hausse ininterrompue, à laquelle l’emmental français n’a pour l’instant pas participé. Sur le continent, les pâtes pressées sont très représentées avec 541 M t sur 1, 6 Mt de fromage en France, 660 M t Aux Pays-Bas (sur 672), 827 sur 1 830 en Allemagne et 337 sur 385 au Royaume-Uni. En Italie, les pâtes pressées pèsent près de 50 % des fromages, avec 500 000 t. En Allemagne, la présence dans les magasins de hard discount Aldi a dynamisé les exportations italiennes, mais un tel schéma semble difficilement reproductible pour l’emmental français.
Pour revaloriser l’emmental en prix et en image, le combat va être âpre puisque son profil nutritionnel n’est pas très conforme aux canons du nutritionnellement correct, avec beaucoup d’acides gras saturés. Le SFPP travaille sur ce dossier avec Atla pour suivre les travaux de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. À croire que décidément, on en veut à l’emmental.