L’emmental français est-il menacé ?
En rejetant les recours allemand et français sur l'emmentaler la semaine dernière (voir LM n° 196), le Tribunal Fédéral suisse, plus haute instance juridique du pays, vient d'envoyer un signal plutôt négatif pour les producteurs d'emmental. Cette décision valide l'inscription de l'emmentaler en tant qu'appellation d'origine contrôlée (AOC) sur le territoire suisse, à laquelle s'étaient opposés les pays voisins. Dorénavant, l'emmental exporté vers la Suisse devra faire suivre son nom de son pays d'origine, une disposition assez peu contraignante compte tenu des petits volumes vendus de la France vers la confédération.
Cette inscription en tant qu'AOC au niveau national est malgré tout inquiétante puisqu'elle pose les bases d'une évolution future vers l'AOP européenne (Appellation d'Origine Protégée), dont l'obtention restreindra alors l'usage du terme emmental aux seuls fromages fabriqués en Suisse.
Les Suisses verrouillent
« Nous regrettons cette décision du tribunal fédéral » a indiqué aux Marchés Michel Roche, secrétaire général du Syndicat des fromages à pâte pressée cuite (SIGF) qui regroupe emmental, comté, beaufort et gruyère. « Nous n'avons rien contre une protection de l'emmental en Suisse. S'il n'y a pas d'accord bilatéral, la règle suisse s'appliquera dans ce pays. Il y a peu d'impact compte tenu du faible courant d'affaires entre nos deux pays. Mais la confédération va engager les procédures pour passer de l'AOC à l'AOP. Il y a un réel danger à long terme » .
En cas d'attribution du terme emmentaler à l'unique destination des fromages fabriqués sur le territoire helvétique selon un cahier des charges précis, la France devrait alors trouver un nouveau nom pour son emmental. Une situation paradoxale, puisque l'Hexagone, produit la moitié de l'emmental européen (245 000 t).
De l'autre côté des Alpes, la Suisse cherche sans doute à verrouiller sa production (36 000 t d'Emmentaler en 2005), en prévision de la libéralisation totale, des échanges sur les fromages, attendue au 1er juin 2007 entre la confédération et les États-membres de l'UE.