L’emmental dans la tourmente de l’AOC suisse
La France est le premier pays producteur d’emmental avec 243 000 tonnes commercialisées en 2005, soit environ 50 % de la production totale d’emmental.
Au sein de cette production, deux IGP et une AOP existent : l’Emmental Est-Central et l’Emmental de Savoie, IGP françaises, et l’Allgäuer Emmentaler, AOP allemande. Ces AOP et IGP ne gênent pas la fabrication de l’emmental français car elles ont une portée limitée et un nom géographique qui limite la zone de production avec un savoir faire différent.
Il n’en va pas de même avec l’Emmentaler suisse qui demande l’accès à l’AOC en Suisse. Plusieurs oppositions françaises et allemandes ont été déposées dans le dossier auprès du Tribunal Fédéral helvétique qui devrait rendre son verdict quant au bien fondé de ces oppositions. Le Syndicat Interprofessionnel du Gruyère Français, un des opposants, base son argumentation sur le terme « Emmentaler ». « La demande d’AOC suisse porte exclusivement sur le terme Emmentaler, avertit Michel Roche, secrétaire général du SIGF. Celà condamne à terme la production d’emmental en Europe si l’AOC suisse est reconnue. Nous n’aurions pas fait opposition si la protection demandée portait sur le terme Emmentaler suivi du nom géographique correspondant à la zone de production et de transformation de ce fromage qui ne représente que 32 000 tonnes. »
Il existe depuis 1999 un accord bilatéral entre la Suisse et l’Europe qui devait conduire à une reconnaissance mutuelle des produits fromagers. Un comité Suisse-Europe se réunit régulièrement pour finaliser cet accord. Que va-t-il en être maintenant puisque le nouveau règlement 510/2006 autorise les pays tiers (dont la Suisse) à enregistrer ou à s’opposer à l’enregistrement en AOP et IGP ?
L’emmental va-t-il devoir changer de nom ?
« Si la demande suisse d’enregistrement en AOC aboutit, et qu’elle est reconnue par la Commission Européenne en tant qu’AOP, l’Emmentaler serait alors dans le droit de demander la réservation du terme à son seul profit,s’inquiète Michel Roche. Les fabricants d’emmental européens pourraient se retrouver avec l’obligation de changer le nom de ce fromage à une échéance fixée par la Commission européenne. »
Aujourd’hui, le problème est devenu politique. Il faut convaincre les autorités suisses d’arrêter les dégâts. Il suffirait d’un geste simple par le rajout d’un nom géographique au terme Emmentaler, ce qui ne gênerait en rien la production et la renommée de ce fromage. Mais la Suisse aura-t-elle la volonté de calmer le jeu ?
Autre crainte du SIGF : voir Américains et Australiens se servir de l’exemple précis de ce dossier pour faire valoir leurs thèses anti-indications géographiques en démontrant le rôle néfaste des IG dans l’univers des produits de grande consommation. D’autant qu’à moindre échelle, un autre produit suisse pose le même problème, celui du Raclette qui demande la protection sans terme géographique et qui fait trembler les producteurs de raclette en France. Précisons que l’interprofession de l’Emmentaler a élu comme président un avocat d’affaires international et non un producteur comme cela est habituellement le cas.