L’emmental continue de céder dangereusement du terrain
De manière imperceptible mais régulière, l’emmental cède du terrain. Ce mouvement s’est poursuivi en 2006 selon les données du SIGF (Syndicat interprofessionnel des fromages à pâte pressée cuite) qui rapporte une nouvelle chute des volumes après 2005. Ceux-ci s’établissent à 244 500 t (-0,7 %), tandis que la valorisation évolue dans le même sens, passant de 4407 à 4381 euros la tonne. La chute est encore plus forte depuis le pic de 2002, puisque sur cet intervalle de 4 ans, la filière estime la perte de valeur ajoutée à plus de 51 M Eur.
Malgré les efforts de baisse du prix de gros, les ventes auprès des consommateurs ne rebondissent plus. Le SIGF trouve un début de solution du côté de la grande distribution, coupable d’augmenter ses marges sur les produits vendus à la coupe. « Elle va finir par tuer ce rayon pourtant porteur d’image (s’il est bien géré) tant pour les fromages que pour l’enseigne » affirme le syndicat. Tous les circuits de vente sont d’ailleurs en retrait, une tendance particulièrement marquée dans le hard-discount (21 % des ventes, -3,3, %) alors que supermarchés et hypermarchés s’en sortent mieux. « Il s’agit peut-être d’un problème de mise en avant. Le premier souci de l’emmental, c’est de revenir à l’esprit du consommateur » concède Michel Roche, secrétaire général du SIGF.
Pour le moment, la communication collective n’est pas à l’ordre du jour, et les investissements publicitaires des deux leaders Entremont et Lactalis sont modestes. Alors que les Français figurent parmi les plus gros consommateurs de fromage au monde, l’emmental ne dispose pas d’une grosse marge de progression dans l’Hexagone et pourrait aller chercher son salut ailleurs. Le hic, c’est que les exportations chutent également avec 45 500 t en 2006 (-3,2 %), après -12,3 % en 2005. « Ce n’est pas l’euphorie, mais nos marges de progression sont là. Le consommateur allemand est à conquérir, et nous devons progresser en Russie » explique M. Roche.
Représentant à lui seul un quart de la production de fromages affinés français, l’emmental dispose d’une visibilité faible et doit faire face à sa banalisation. Le seul point positif tient à l’excellente valorisation du lactosérum, sous-produit de la fabrication. Ses niveaux caracolent, mais Michel Roche met en garde contre un effet pervers. « Il y a la crainte que cette manne puisse être réinvestie sur le marché de l’emmental, pour obtenir des prix plus agressifs ».
Dans la catégorie des pâtes pressées cuites (310 000 t) qui regroupe Comté, Beaufort, gruyère et emmental, ce dernier est loin devant ses autres concurrents. Les 7 premiers fabricants, qui représentent 230 000 t, voient leur part stagner depuis plusieurs années, un signal supplémentaire de l’atonie de consommation. Le ressort de la croissance, toujours pas retendu, pourrait s’inspirer du Comté ou du Parmigiano-Reggiano, des fromages à pâte pressée qui progressent régulièrement, avec il est vrai de forts investissements publicitaires. La relance est à ce prix, car pendant ce temps, l’emmental glisse lentement mais sûrement.