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L’Égypte subit de plein fouet le « choc céréalier »

Le silo de Hossaneya (30 000 t de capacité), dans la région du Caire, fait partie d'un plan d'équipement lancé par le gouvernement.
La France fournit en moyenne au marché égyptien environ 1 Mt chaque année depuis dix ans. Mais la hausse des cours mondiaux pèse aujourd'hui sur la consommation de pain des 76 millions d'Egyptiens.

L’Égypte achètera-t-elle du blé français dans la deuxième partie de campagne ? C’est la question que se posent tous les opérateurs en poste au Caire Le bureau du Caire de France Export Céréales n’a été ouvert qu’à partir de juillet 2000., et notamment Laurent Dornon, responsable Proche et Moyen-Orient à France Export Céréales. « Premier client de la France, l’Égypte nous achète chaque année environ un million de tonnes par an de céréales depuis dix ans », déclarait-il à un groupe de journalistes français en déplacement en Égypte Du 22 au 29 novembre dernier, l’AFJA a organisé un déplacement d’une semaine à destination de l’Égypte pour un groupe d’une quinzaine de journalistes.. Seule, la campagne 2002-2003 fait figure d’exception, puisque la France y avait exporté quelque 2,5 Mt cette année-là.

Jusqu’en 1990, le premier acheteur mondial de blé fut très demandeur de farine française. Depuis, le pays s’est équipé en moulins et achète désormais des blés étrangers qu’il transforme sur place dans des moulins privés ou publics (voir encadré). « A l’époque, la France a loupé cette transition », souligne Laurent Dornon en évoquant l’efficacité de la promotion américaine (US Wheat). Aujourd’hui, la France entre toujours en compétition avec les opérateurs traditionnels d’Amérique du Nord, mais doit affronter depuis 2004 ceux d’Europe de l’Est. La Russie, qui a consenti d’énormes efforts logistiques, l’Ukraine qui mettra 10 à 12 millions de tonnes sur le marché mondial cette année, ou le Kazakhstan deviennent des nouveaux fournisseurs de l’Egypte.

« C’est pourquoi nous avons aujourd’hui plus que jamais à faire connaître et reconnaître le blé français. Et ceci d’autant plus que le blé français est passé entre temps de 60 % à 90 % de sa collecte en blé meunier ! », souligne-t-il.

Une phase de grands risques

Aucune céréale française n’a pourtant débarqué ni à Port-Saïd, ni à Alexandrie depuis le début de cette campagne. « Votre blé est trop cher et son taux d’humidité trop élevé ! », répètent inlassablement les opérateurs égyptiens en montrant leurs cellules de stockage remplies de céréales russes et américaines. Dans un moulin privé situé près d’Alexandrie, on dit que le blé russe se négociait fin novembre à 380 $/tonne. Le français, à 15$ de plus !

Le facteur « prix » est crucial pour ce pays qui consomme de 10 à 12 millions de tonnes de blé par an. L’Égypte est loin d’être autosuffisante et doit importer la moitié de ses besoins. « Une enquête menée par Céréaliers de France a mis en évidence que l’Égypte a atteint un seuil de production qui sera difficile à dépasser », note Laurent Bornon. La forte hausse des cours observés depuis six mois se répercuterait donc de plein fouet sur le quotidien des familles égyptiennes si le gouvernement n’intervenait pas.

« Un paquet de biscuits qui valait 1 euro en 2006, s’affiche actuellement à 1,8 euro », souligne ce meunier égyptien. Le prix du pain « fino » dit « pain des écoliers », est passé de 10 piastres à 25 piastres en quelques mois Une livre égyptienne vaut aux environs de 0,13 euro. Elle est constituée de 100 piastres. ! Mais cette hausse des prix a surtout fait baisser la consommation et provoqué des mouvements d’humeur parmi la population. La grande majorité des Égyptiens s’est repliée sur la consommation des pains « Baladi », qui représentent aujourd’hui près de 60 % de la consommation de pain. « Le choc céréalier fera-t-il glisser de 60 à 80 % cette part de la consommation de pain subventionné ? », s’interroge Mohamed Abd El Ghafar, responsable d’un moulin privé près d’Alexandrie.

« Nous entrons dans une phase de grands risques », explique-t-il. « Habituellement de l’ordre de deux milliards de dollars par an pour l’Égypte, la facture blé tournera cette année autour des 5 milliards de dollars, coûts logistiques inclus », précise de son côté Laurent Dornon.

Le blé représente l’un des trois plus gros postes budgétaires du pays. Mais c’est également un enjeu stratégique aux répercussions politiques évidentes. Le pain est la base de l’alimentation des 76 millions d’égyptiens dans un pays à la croissance démographique soutenue (plus d’un million d’habitants de plus à nourrir chaque année). L’État (ministère du Commerce et de l’Industrie) peut importer jusqu’à 8 Mt de blé par an via la General Authority for Supply of Consommation (GASC). Ce dernier contrôle les importations de blé et sa transformation dans les moulins publics et subventionne une partie des moulins et des boulangeries du pays. « La meunerie subventionnée écrase 80 % du blé depuis août dernier. Avant le choc céréalier, elle n’en écrasait que 40 % contre 60 % au privé… », explique Mohamed Abd El Ghafar.

Un plan de stockage ambitieux

L’État subventionne également la culture du blé à des paysans, plus enclins à emblaver du trèfle d’Hérode ou différents fourrages pour nourrir ses animaux. C’est pourquoi le gouvernement égyptien a décidé d’acheter la tonne de blé 240 $/tonne pour la prochaine campagne au lieu des 180$/tonne lors de la précédente collecte.

Mais cette politique commence à coûter cher à un pays qui a pratiqué la subvention aux produits pour venir en aide à plus de 40 % d’une population qui vit encore actuellement avec 2$/hab/jour. Le ministère de la solidarité accorde en effet des subventions sur des produits comme le pain, les huiles, le sucre et le riz ainsi que les bouteilles de butagaz. L’Égypte a donc décidé de revoir sa politique d’allocations. Dans les mois qui viennent, elle pourrait très bien réservé ce soutien aux 40 % qui en a le plus besoin. Mais le gouvernement s’est montré très prudent sur le pain, une denrée de première importance notamment au moment du ramadan…

Pour s’affranchir de ses nombreuses dépendances, l’Égypte a décidé un plan de stockage ambitieux. Elle a décidé de s’équiper de plus de 50 silos de 30 000 tonnes dans les 10 à 15 ans qui viennent. Six des 50 silos sont déjà opérationnels. « Mais le choc céréalier de 2007 pourrait accélérer les choses », estiment les observateurs.

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