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SALAGE
Le taux de sel des fromages à l’étude

Au niveau français, européen et international, les travaux visant à préciser le rôle du sel dans la fabrication des fromages, à mesurer, maîtriser et optimiser son taux se poursuivent. De nouveaux programmes de recherche visent à approfondir les résultats déjà obtenus.

L’interprofession laitière française n’a pas attendu le PNNS pour se préoccuper du taux de sel dans ses produits. Elle n’en a que plus activement participé aux groupes de travail sur cette thématique qui se sont succédé. Dans le cadre de celui de l’Afssa (2001-2005), sa philosophie à l’égard du sel était déjà claire : aussi peu que possible… mais autant que nécessaire! Depuis, son approche générale reste axée sur la même ligne. Auditionné en novembre dernier par le groupe de travail « sel » créé en 2010 par la DGAL, Atla rappelait qu’il convenait de travailler seulement sur les fromages, du fait de l’utilisation de sel dans leur fabrication. Car il n’y a pas de sodium ajouté dans le lait, et la contribution des autres produits laitiers aux apports en sodium est négligeable.

Il reste que le rôle du sel en fromagerie est complexe et multiple. Il se rattache à l’aspect règlementaire (précision d’une valeur pour le taux de sel pour certaines AOC/AOP ou d’une caractéristique liée au salage dans leur cahier des charges) ; aux propriétés organoleptiques (le sel renforce l’arôme des fromages mais participe aussi à l’équilibre de leur écosystème microbien, essentiel à la typicité et à  l’identité de chacun, car il aboutit aux composés de goût de l’arôme, aux caractéristiques de la croûte…); à la qualité microbiologique (la diminution du taux de sel entraîne une augmentation de l’activité de l’eau qui affecte l’équilibre microbiologique des fromages, d’où la possibilité d’une multiplication et d’une activité accrue des microorganismes pathogènes et d’altération, réduisant leur qualité sanitaire et leur durée de vie) ; à la technologie fromagère (le sel assure par exemple un complément d’égouttage, contribue à la formation de la croûte…).

« Toucher au paramètre sel ne peut se faire qu’après en avoir mesuré tous les effets, tant sur les plans microbiologique, biochimique ou encore physico-chimique que sur celui des caractéristiques organoleptiques. Et ceci, technologie par technologie, fromage par fromage », concluait Atla.

DES PROJETS À TOUS LES NIVEAUX

Or, en l’état actuel des technologies et des connaissances scientifiques, il parait difficile d’envisager une diminution systématique des niveaux de sel dans les fromages. Car on ne connaît parfaitement ni les procédures ni les conséquences de ces réductions. C’est pourquoi le projet Cniel « PMS »(1) s’attachera en 2012 à éclaircir certains points, notamment les causes de la variabilité importante des taux de sel dans certains fromages français à pâte molle et les méthodes de dosage direct du sodium dans les fromages, pour l’instant relativement imprécises. La méthode la plus utilisée est pour l’heure le dosage des chlorures, puis le calcul du taux de sel. Elle est précise, mais présente l’inconvénient de considérer tout chlorure comme étant du chlorure de sodium, et donne par conséquent une valeur surestimée du taux de sel. Parallèlement, la FIL a entrepris en 2010 de recenser les connaissances scientifiques et technologiques les plus récentes au niveau mondial sur le rôle du sel dans la fabrication des fromages.

Principaux objectifs: déterminer le taux de sel optimal pour certaines variétés de fromages fabriquées selon les technologies classiques; définir des méthodes pour assurer un strict contrôle du taux de sel ; explorer de nouvelles voies de réduction de ce taux optimal en modifiant les process de fabrication. Caractéristiques organoleptiques, aspects microbiologiques et physicochimiques, méthodes de dosage du taux de sel, ingrédients et additifs de substitution, réglementation correspondante dans les quelque 60 pays membres de la FIL... : cette monographie, qui sera présentée en octobre 2012 au Cap, en Afrique du Sud, constituera un document de référence.

Coordonné par l’Inra Dijon et Inra-transfert, le programme européen «TeRiFiQ »(2) lancé le 7 février dernier, vise quant à lui à réduire le taux de sel, sucre et matières grasses dans divers produits d’alimentation courante (fromages, viandes, produits panifiés…) en conservant leurs qualités nutritionnelles et sensorielles. Il s’agit par exemple de réduire la teneur en sodium (jusqu’à 30 %) dans les fromages tout en améliorant la qualité de la matière grasse. Soutenu financièrement par le Cniel, le volet « fromages » sera coordonné par Actilait, qui s’appuiera notamment sur les modèles construits dans le cadre du projet européen Dream(3) (pâtes pressées et pâtes molles avec standardisation des taux de caséines, de protéines solubles et de lactose du lait). Le programme TeRiFiQ, qui rassemble 16 partenaires européens, bénéficie d’un budget de 4 millions d’euros sur 4 ans, dont la dernière année consacrée au transfert de technologie vers l’industrie, pour la production d’aliments reformulés.

ANNE-CAROLINE RENARD
(1) Projet de Maîtrise du Sel en fromagerie.
(2) Combining Technologies to achieve significant binary Reductions in salt Fat and sugar in everyday foods whilst optimising their nutritional Quality.
(3) Design and Development of realistic food models with well characterised micro and macro structure and composition.

AVIS D’EXPERT

 

Jean-Claude Gillis, directeur du service technique règlementaire
et scientifique d’Atla

 

« LE SECTEUR N’ENVISAGE PAS
LE BOULEVERSEMENT DE SES PROCESS. »

 

« On ne peut nier la présence de sel dans les fromages. Toutefois, aucune étude ne montre une augmentation des risques cardiovasculaires liée à leur  consommation. Cela n’empêche pas les efforts des fabricants pour diminuer le taux de sel. Depuis l’enquête Atla montrant une grande variabilité du taux de sel intra et inter-entreprises pour le même type de fromage, la réalisation et la diffusion en 2004 d’un manuel de salage en fromagerie, il y a eu des baisses. Mais leur impact est assez limité car les taux actuels résultent des meilleurs compromis technologiques : les baisses importantes ont eu lieu il y a 20 ans. Certes, les actions engagées se poursuivent : développement des fromages à
teneur réduite en sel (bien qu’il s’agisse de niches), révision du décret fromage, efforts de réduction de la variabilité, et, dans ce but, initiation du programme de recherche « PMS » (1). L’information du consommateur (étude Cniel/Atla sur sa compréhension de l’étiquetage sodium/sel), la signature de chartes PNNS par de grands acteurs du secteur des fromages, l’intérêt croissant des entreprises pour les substituts de sel, en font aussi partie. Mais compte tenu des considérations technologiques, sanitaires et de santé, le secteur n’envisage pas de « bouleversement » de ses process. Néanmoins, les résultats du projet PMS permettront d’identifier, s’ils existent, des leviers d’amélioration de la maîtrise des teneurs en sel et les actions professionnelles potentielles à envisager. »

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