Le Sénat examine un « délit de fauchage »
LM : Le projet de loi sur les OGM sera discuté dès mardi au Sénat. En tant que rapporteur, vous avez souhaité apporter plusieurs modifications au texte, dont l’instauration d’un délit de destruction de champs. Quel est l’esprit de cet amendement adopté par la commission des affaires économiques du Sénat ?
Jean Bizet : Le projet de loi initial comprend trois parties (transparence, responsabilité, Haute autorité), auxquelles nous avons ajouté une partie recherche. Sur le volet « transparence », le gouvernement a souhaité aller jusqu’à la parcelle. En 2006, j’en étais resté au canton. Le passé a montré que je n’avais pas tellement tort.
Nous n’avons pas l’assurance que l’Etat pourra assurer le respect des biens et des personnes. Jusqu’à présent nous avons fait preuve d’un laxisme coupable face à des gens qui sont des anarchistes et des brigands. J’ai donc dit au gouvernement « d’accord pour aller jusqu’à la parcelle, mais je veux des clés de sûreté ». L’arrangement trouvé avec le ministère de l’écologie du développement et de l’aménagement durable a consisté à définir un délit de fauchage (ndlr : passible de 2 ans de prison et 75 000 euros d’amende), comme il y a eu un délit de grande vitesse, et un délit de fauchage aggravé quand il s’agit de destruction portant sur un essai de recherche , passible de 3 ans de prison et 150 000 euros d’amende. Par ailleurs nous voulons avoir connaissance de la circulaire qui sera transmise aux tribunaux par la Garde des Sceaux, à ce sujet.
LM : Malgré les annonces répétées du gouvernement, les semenciers semblent désabusés sur la question de la recherche génomique végétale en France. Ce délit de fauchage suffira-t-il pour les rassurer ?
J. B. : Non, ce n’est pas suffisant. Il faut une annonce et une volonté politique fortes. Or aujourd’hui, nous sommes dans une stratégie d’obligation vis-à-vis du Grenelle de l’environnement.
LM : Vous proposez aussi la création d’un dispositif d’incitation fiscale à l’investissement en génomique végétale ?
J. B. :Nous avons pris acte de l’annonce de 45 Meur sur trois ans pour la recherche en biotechnologies. Maintenant, c’est à l’Etat, à l’association nationale pour la recherche et à l’Inra de faire des propositions. Sur le volet recherche, celà fait deux ans que je propose un fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) basé sur la génomique végétale. Je l’ai baptisé Sofiplante, en parallèle avec les Sofica dans le cinéma. L’idée consiste à encourager les agriculteurs eux-mêmes à investir dans la recherche. Mais il s’agit d’un clin d’œil. En 1997, on comptait en France plus de 1 000 essais sur les OGM contre 14 en 2006 et 0 cette année. Génoplante, excellente idée lancée par Claude Allègre, est en train de sombrer. Les entreprises privées s’en vont. J’essaie d’envoyer des messages, mais je reste désemparé du baiser qui tue de Nathalie Kosciusko Morizet à José Bové.
LM : Vous avez fortement réagi à l’annonce du retrait du projet de loi OGM du calendrier parlementaire. Finalement, l’examen a été rétabli au 5 février pour le Sénat, mais avez-vous encore des craintes sur le respect du calendrier ?
J. B. : On nous annonce les 5, 7 et 8 février pour l’examen du projet au Sénat et les 2,3 et 4 avril pour l’Assemblée nationale... On verra. La balle est dans le camp du gouvernement. Mais on a déjà 42 Meur de pénalité pour retard de transposition. Par ailleurs, j’étais la semaine dernière avec Michel Barnier quand il a rencontré Mariann Fischer Boel. La Commissaire a précisé que l’OMC pourrait infliger une amende de 800 millions à 1 milliard de dollars par an aux 27 Etats membres de l’UE suite à la plainte déposée par les Etats-Unis, l’Argentine et le Canada sur les OGM. Des produits symboliques comme les vins, le champagne ou le foie gras risquent d’être taxés, alors que ces filières n’ont rien à voir avec les OGM. Autre problème : les USA mettent sur le marché une demande d’homologation d’une nouvelle variété de soja OGM, toujours résistante aux phytos avec un bien meilleur rendement. Pendant une période, nous aurons une démarche asynchrone d’homologation entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Nous serons donc dans l’impossibilité d’approvisionner le marché européen en protéines végétales. D’où un effondrement des filières viandes blanches. Je ne veux pas être Mr Catastrophe, mais on ne peut pas maintenir la France dans une bulle.