Le programme Frisbee imagine le froid du futur
> Des enregistreurs de température miniatures implantés dans 580 produits.
Après quatre années, le programme européen de recherche Frisbee consacré à la chaîne du froid vient de rendre ses résultats. « Notre but était d'améliorer la sécurité du consommateur, de baisser la consommation d'énergie et l'impact environnemental de la réfrigération », explique Gabriela Alvarez, chercheuse à l'Irstea et coordinatrice du projet.
Treize industriels, onze établissements de recherche et deux ONG se sont associés dans ce projet. Les chercheurs de Frisbee ont notamment établi un état des lieux de la chaîne du froid en construisant « la première base de données européenne de la chaîne du froid ». Plus de 10 000 données (température, emballage, informations sur les équipements…) ont été envoyées par une centaine de producteurs. « Cette base de données a permis d'identifier les maillons faibles dans la chaîne du froid. En France, c'est essentiellement le maillon consommateur (après l'achat) qui pose problème », notent les chercheurs.
Pour compléter leur étude, les chercheurs ont également installé des enregistreurs de températures miniatures dans 580 produits alimentaires en France et en Grèce afin de récolter les données temps/tem-pérature du fabricant au consommateur. Une manière de mieux connaître les conditions réelles que traverse un produit.
Un aliment ni frais, ni surgelé, mais mieux conservéPour mieux conserver les produits alimentaires, et éviter le gaspillage, le projet Frisbee s'est également intéressé à un procédé connu depuis longtemps mais encore peu utilisé : le « superchilling » ou « super-réfrigération ». Un aliment conservé grâce au superchilling est en fait partiellement gelé : 5 à 15 % de son volume sera constitué de cristaux de glace. Une congélation, superficielle, « qui n'a pas d'incidence sur la qualité des produits », note Judith Evans, de l'université de Londres. « Selon nos résultats, cette technique permet de doubler la durée de vie des aliments comme le porc et le saumon », poursuit-elle. Pour arriver à ce résultat, il faut refroidir l'aliment pour l'amener à une température juste en dessous de son point de surgélation (à définir selon les aliments). « L'aliment est entre le frais et le congelé », note Judith Evans qui voit des applications possibles pour les produits à haute saisonnalité. « En Angleterre, la demande de dinde explose à Noël et les gens veulent un produit frais et non surgelé. Avec le superchilling la production peut être plus étalée », note-telle. Reste que pour qu'elle soit efficace, il ne faut pas que le produit subisse de trop fortes variations. « Le point difficile, c'est qu'il faut que la température soit maintenue, explique Gabriela Alvarez, et comme nous le montre la collecte de données, ce n'est pas le cas, surtout dans les réfrigérateurs domestiques ».
Lors du projet Frisbee, une étude sociologique a également été menée auprès des consommateurs français, espagnols, anglais, roumains et allemands afin de comprendre comment ces consommateurs maîtrisent la chaîne du froid. En France, 65 % des consommateurs rentrent en moins de vingt minutes une fois les courses terminées, contre 78 % en Angleterre et 81 % en Espagne. L'étude montre aussi que les consommateurs ne sont pas intéressés par les aspects technologiques liés à la réfrigération, considérant plus leurs appareils électriques comme des boîtes froides « magiques ».
“Avec le « superchilling » la production peut être plus étalée
” Les industriels et les chercheurs se sont donc également penchés sur des nouvelles technologies de réfrigération, notamment les matériaux à changement de phase (MSP). Une innovation, sorte de batterie de froid, qui en plus de réduire la facture énergétique, de l'ordre de 8 % pour les industriels et 10 % pour les ménages, permet aussi de limiter les variations de températures de produits.