Le prix à payer pour bien s’alimenter
Il est possible de modifier les habitudes alimentaires en jouant sur le prix relatif des denrées. Mais toute politique en ce sens risque d’accroître les disparités entre catégories socioprofessionnelles, au détriment des plus défavorisés.
Comment faire aboutir dans l’économie réelle les objectifs de santé publique en matière nutritionnelle ? Les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm se sont penchés sur les mécanismes de la décision alimentaire, comme sur la relation entre qualité nutritionnelle et coût de l’alimentation. En effet, à apports énergétiques équivalents, une alimentation de bonne qualité nutritionnelle coûte généralement plus cher qu’une alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle. Les chercheurs ont établi un indicateur de bonne qualité nutritionnelle (Sain) et un indicateur de composés à limiter sur le plan nutritionnel (LIM). Ils indiquent l’opportunité de rendre financièrement plus accessibles fruits, légumes, poissons et céréales complètes. La consommation moyenne de fruits et légumes en France est de l’ordre de 350 g par jour pour un objectif de 400 g. Le déficit moyen à combler est donc de 50 g par jour : est-il possible d’actionner le levier prix pour régler cette question ? Les premiers résultats sont assez décevants. Les promotions sur la pomme (le premier fruit consommé en France) induisent par exemple peu d’augmentation annuelle de consommation et surtout chez les plus aisés, certainement parce qu’ils ont déjà l’habitude d’acheter des fruits frais. L’analyse du marché de la tomate a par ailleurs montré que l’augmentation de la consommation qui résulterait d’un fonctionnement réellement concurrentiel du marché (moindre pouvoir de marché des GMS) serait faible, de l’ordre de 1 %, selon Vincent Réquillard, de l’Inra Toulouse.
L’intérêt d’instaurer des bonus-malus
Alors, faut-il tenter une politique bonus-malus ? Plusieurs études soulignent que sur la catégorie de produits « sucrés, salés et gras », (18 à 25 % des calories consommées selon les catégories socioprofessionnelles), les Français adaptent assez fortement leur consommation aux changements de prix. Or le coût moyen de la calorie dans cette catégorie est de 15 centimes pour 100 kcal contre 40 pour la viande, 68 pour le poisson, 34 pour les fruits et légumes et 20 pour les produits laitiers. Une augmentation de 10 % du prix des produits sucrés, salés, gras ferait diminuer l’obésité infantile du quart et le surpoids des enfants de plus de 28 %. Cette mesure aurait aussi un impact sur l’obésité féminine (-14 %) mais pas d’effet chez les hommes. L’effet serait amélioré si, dans le même temps, les fruits et légumes baissaient de 10 %. Mais ces dispositions affecteraient, encore une fois, plus les ménages disposant des meilleurs revenus.
Au total, l’amélioration de la consommation resterait globalement modeste, quelles que soient les politiques retenues (baisse de TVA, subventions, politique d’information). Pour autant, le coût par année de vie sauvée serait relativement faible, ce qui justifie leur mise en œuvre. Les politiques non ciblées (baisse de prix) semblent plus efficaces que les politiques ciblées (bons d’achat pour les plus démunis) mais accroissent la disparité entre les catégories socioprofessionnelles.