« Le prix du bœuf atteint des pics dangereux »
Les Marchés : L’Office de l’élevage vient de publier les chiffres du troisième trimestre 2005 pour les entreprises d’abattage découpe. Quels sont vos commentaires ?
Laurent Spanghero : Il y a une nette dégradation des résultats comptables des entreprises de viande de boucherie. Sur les trois premiers trimestres de 2005, on voit, en résumé : pour les transformateurs industriels de bovins, un résultat positif, mais deux fois plus faible qu’en 2004, à 0,66 % de la production. C’est dû à l’évolution des charges, qui ont augmenté de 1,6 %. Les abatteurs découpeurs de bovins voient leur marge chuter de 1 % et le résultat ne dépasse pas 0,49 %. Dans le secteur ovin, les entreprises ont subi une flambée des charges de 4,6 % et leur résultat tombe à 0,39 %, contre 1,32 % un an plus tôt. Les charges se sont aussi envolées chez les abatteurs découpeurs de porc, avec +6 %. Leur résultat plonge dans le rouge, à -0,55 %.
Mon analyse de tout cela est que les prix de la matière première ont beaucoup augmenté. Les entreprises ont aussi dû encaisser d’autres hausses de charges. Sur le plan salarial, rien que pour le Smic, l’augmentation est de 4 points. Concernant l’accord Sarkozy de baisse des prix, la grande distribution s’en est servie pour croquer nos marges. Toutes ces difficultés seront difficiles à supporter pour les PME.
LM : Le congrès de la FNB, mercredi et jeudi, abordera la perte d’indépendance alimentaire de l’UE, la contractualisation de l’engraissement, la recapitalisation du cheptel allaitant. Partagez-vous les mêmes préoccupations ?
L. S. : J’ai toujours mis en garde contre la maîtrise de la production voulue par Bruxelles. Elle se traduit aujourd’hui par un déficit européen. Les éleveurs français ont pris conscience du problème et recapitalisent. Je me demande tout de même si cette reprise est bien réelle. Pour le moment, je vois surtout un manque d’offre sur le marché. Concernant la contractualisation, ce n’est pas la panacée. Même si le fait d’avoir des contrats pour une part des besoins peut rassurer l’abattoir, ce qui va dans le bon sens. Ce qui m’inquiète beaucoup, aujourd’hui, c’est le prix de la viande bovine. On nous annonce une nouvelle hausse en 2006. Les gens vont-ils continuer à en manger à des niveaux aussi élevés ? Depuis quelque temps déjà, la consommation de bœuf est en baisse régulière. Je crains une accélération.
LM : En juin, la FNICGV tiendra une assemblée générale élective. Serez-vous candidat ?
L. S. : J’ai déjà tenté de céder la main. Voilà 10 ans que je suis président. J’aurais vécu la crise de l’ESB. A ce propos, tout n’est pas réglé. Le traitement du dossier équarrissage n’est pas satisfaisant. Les pouvoirs publics ont pris des initiatives qui ne nous conviennent pas. Des solutions sont attendues par rapport aux équarrisseurs.