Le passage obligé du compte de pénibilité
> Identifier et mesurer la pénibilité d'un travail répétitif est un vrai problème pour les industriels.
Quatre critères de « pénibilité » au lieu de dix ; c'est l'allègement du « compte personnel de prévention de la pénibilité » qu'a obtenu le Medef pour 2015. Trois de ces critères intéressent l'agroalimentaire : le travail de nuit, « en équipes successives alternantes » et les tâches répétitives. Les entreprises devront dans un an fournir aux salariés concernés une « fiche de prévention des expositions » et déclarer à la Carsat (Caisse d'as-surance retraite et de la santé au travail) un décompte des opérations « pénibles » depuis le 1er janvier 2015. Les points attribués au salarié pourront servir à lui faire suivre une formation en vue d'un poste moins exposé, à réduire sa durée de travail en maintenant son niveau de salaire, ou, s'il a au moins 55 ans, à financer son départ anticipé en retraite.
Les cotisations patronales, calculées sur cette base, serviront à financer le dispositif. Première opération : identifier et mesurer la pénibilité. Si le décompte des heures de nuit apparaît relativement facile à appréhender, le travail répétitif pose un vrai problème aux industriels. Le secteur agroalimentaire attend à ce titre une prochaine circulaire de la direc-tion générale du travail. Deux situations se présentent dans le décret du 9 octobre 2014 : un temps de cycle inférieur à 1 minute et au moins trente actions à la minute.
Explications et aide à la mise en place« Comment tenir compte de la polyvalence introduite dans les industries agroalimentaires pour varier les tâches ? », interroge Nicolas Penanhoat, responsable des affaires juridiques et sociales et des formations de l'Adepale, en charge du groupe de travail de l'Ania.
“ Il y a un besoin impérieux d'expliquer le dispositif aux salariés
Si la mise en place du compte de pénibilité ne requiert pas un accord d'entreprise, « il y a un besoin impérieux d'expliquer le dispositif aux salariés. Sinon un climat de défiance va s'installer au sein de l'entreprise », recommande le consultant en relations de travail Tony Kelly ” (Kelly consulting & associés), ancien membre de la commission sociale de l'Ania. Le consultant comprend que les entreprises soient prises au dépourvu, les décrets d'application sont parus le 10 octobre dernier pour une mise en place le 1er janvier 2015, et « c'est effectivement du travail en plus. Pas facile pour les PME et TPE ! » Il est toutefois possible de s'appuyer sur le travail accompli dans le cadre de l'élaboration du DUER (document unique d'exposition aux risques professionnels). « Certaines entreprises ne l'ont pas toujours tenu à jour », remarque-t-il néanmoins.
Les dix critères de pénibilité seront pris en compte l'an prochain : travail de nuit ; travail en équipes successives alternantes ; travail répétitif ; activités exercées en milieu hyperbare ; postures pénibles ; manutention manuelle de charges ; agents chimiques ; vibrations mécaniques ; températures extrêmes ; bruit. D'ici à cet été, le député Christophe Sirugue (PS) et le chef d'entreprise Gérard Huot, missionnés par Manuel Valls, doivent émettre des solutions de simplification et une sécurisation juridique afin d'éviter les contentieux avec les salariés. La CGI compte défendre des relèvements de seuils d'exposition et la possibilité de mesurer la pénibilité par type de poste (non par salarié). De son côté, le conseiller-maître à la Cour des comptes Michel de Virville doit livrer un point d'étape.