Le Parlement incorpore huile et alcool à la vinaigrette des pétroliers
Les députés ont-ils enfin ouvert la voie à la production des biocarburants à grande échelle ? L’amendement, voté à l’unanimité, qui augmente l’impôt sur les sociétés des distributeurs qui n’incorporeraient pas des biocarburants dans leurs essences ou gazoles dans les proportions fixées, constitue sans doute un pas décisif dans ce sens. Jusqu’à présent, rien n’obligeait les distributeurs à procéder à cette incorporation. Malgré la directive européenne qui fait obligation aux États-membres d’incorporer 5,75 % de biocarburants en 2010, en dépit de l’annonce par le Premier ministre et de la confirmation par Jacques Chirac du triplement des capacités de production, aucune disposition n’était prévue dans la loi de Finances initiale. Il aura fallu que l’UDF fasse du développement des biocarburants l’une des cinq conditions au vote du budget pour faire fléchir Bercy.
L’affaire n’est pourtant pas encore gagnée. Les pétroliers, très hostiles à cette incorporation et pour le moment étonnement silencieux, n’ont pas encore rendu les armes. Ils peuvent tenter de faire fléchir le Sénat, en agitant la menace de l’augmentation des prix de l’essence et du gazole. Ils peuvent surtout se tourner vers l’importation, en ignorant les productions nationales. A moins que Total, principal interlocuteur dans ce débat, ne saisisse cette occasion pour rectifier l’image négative qui lui colle à la peau depuis l’Erika et AZF.
Restera ensuite à départager les différents projets des filières, entre blé, betterave et maïs pour l’éthanol, colza pour le diester. L’éthanol, alcool fabriqué à partir de blé, betterave ou maïs, peut être incorporé à l’essence, pur ou sous forme d’ETBE. Ces derniers sont constitués de 47 % d’éthanol et de 53 % d’iso butylène, un sous-produit des raffineries. On comprend mieux dès lors l’hostilité des pétroliers à l’incorporation directe de l’éthanol, comme c’est courant au Brésil et aux Etats-Unis. Avec l’ETBE, ils écoulent en effet à un bon prix un sous-produit, en conservant la maîtrise de la filière.
Le diester est une huile issue des oléagineux et incorporée au gazole. Problème : la ressource agricole est très abondante pour la fabrication d’éthanol - mais on fabrique déjà trop d’essence en France. Au contraire, elle est plafonnée par les accords de Blair House et concurrencée par la demande en huile alimentaire pour le diester- alors qu’on ne fabrique pas assez de gazole.
Ces multiples enjeux et contradictions vont affleurer dans les semaines qui viennent avec le dépôt de dossiers d’agrément.