Le ministère de la parole
On aurait pu espérer que la crise financière allait ramener les autorités en charge de l'économie française à un peu d'humilité. C'était mal les connaître. Il en est encore qui pensent que leur verbe est magique et que la réalité se pliera à leurs exhortations. Devant une assemblée d'industriels et de distributeurs incrédules, le secrétaire d'Etat au commerce a décrété cette semaine, lors d'un colloque organisé par LSA, que les prix de l'alimentaire au détail ne progresseraient pas plus de 2% à 3% en 2009. Peu importe que les distributeurs présents aient fait part de demandes de hausses de tarifs de l'ordre de 5% à 6%. Peu importe que les industriels -pas seulement les gros avec leurs marques et leurs fortes marges, les moyens surtout et les petits aussi- se soient dits « stupéfaits » d'un tel pronostic. Peu importe surtout que rien ne puisse laisser augurer ce que seront les coûts de l'énergie, des charges ou des matières premières l'année prochaine ; il en sera ainsi puisque Luc Chatel l'a dit et que c'est madame Irma qui a du lui souffler. C'est vrai, cette semaine, les prix du blé ont à nouveau plongé. Mais qu'en sera-t-il dans trois mois, si les investisseurs se reprennent et que les matières premières redeviennent des valeurs convoitées ? Et les prix du pétrole, passés en moins d'un mois de 95 à 115 dollars puis à nouveau à 95 ? Les observateurs sérieux du marché de l'énergie et des matières premières agricoles disent tous que les cours se maintiendront (plus longtemps qu'un gouvernement) à des niveaux élevés dans ces deux domaines. Au nom de quoi ne pas l'admettre ? Pour complaire à des consommateurs crédules, pourtant échaudés par les scandales mondiaux d'une alimentation au rabais ? On estimait autrefois le ministère de la parole. Il est aujourd'hui administré par un secrétaire d'Etat.