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Le groupe Bigard innove pour réduire la pénibilité

Mesurer le pouvoir de coupe

Les trois quarts des soixante usines du groupe ont vu leurs résultats en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles s'améliorer l'an dernier. Zoom sur plusieurs démarches de progrès récemment lancées au sein de l'industriel de la viande.

Philippe Sarra est entré en 2002 dans le groupe Bigard comme animateur de préven-tion des accidents du travail. « On parlait alors de sécurité. Aujourd'hui, on parle de la qualité de vie au travail et du bien-être. C'est indivisible de la performance de l'entreprise », estime celui qui est devenu le responsable santé sécurité du groupe. Ce changement sémantique traduit une préoccupation grandissante. Au suivi mensuel des chiffres se sont ajoutés « des supports pour amener des discussions sur la qualité de vie dans les ateliers », poursuit Stéphane Fargeas, le directeur des ressources humaines de la filiale Charal.

Depuis quelques années, une feuille de route annuelle est établie, balayant douze thématiques. Chacun de ces thèmes est illustré par des affiches au ton humoristique, placardées dans les soixante usines du groupe et des vidéos diffusées dans les salles de repos. La direction des sites, qui reçoit ces éléments en amont, est tenue d'organiser une réunion sécurité par mois. Petite nouveauté de l'année 2015, un agenda guide de la santé et sécurité au travail a été envoyé à l'ensemble des encadrants. Ceux-ci reçoivent à proximité du siège de Quimperlé des formations poussées de management de la prévention, à raison de quinze jours par modules de trois jours. « L'objectif est que 100 % des encadrants de proximité soient des préventeurs et des animateurs sécurité », détaille Philippe Sarra.

Mesurer le pouvoir de coupe

Au niveau organisationnel, quatre référents sécurité se partagent les dix pôles ressources humaines du groupe Bigard. Ces experts en prévention proposent et mettent en œuvre des plans d'action sur les sites industriels. Ils vont s'impliquer dans les suites qui seront données aux innovations et expérimentations menées ces derniers mois. Le groupe Bigard conduit en effet deux démarches basées sur la recherche de valeurs objectives de la pénibilité. L'une d'en-” tre elles concerne l'outil de base des métiers de la viande, le couteau. Pas moins de 5 000 salariés du groupe, soit 36 % des effectifs, travaillent avec un couteau.

Un nouvel acier spécifique pour les couteaux

Des statistiques internes ont dé-montré qu'un tiers de ces salariés n'affilent pas correctement leurs couteaux, ce qui engendre fatigue et troubles musculo-squelet-tiques, et pénalise la qualité des produits comme la productivité des équipes. Pour améliorer cette situation, le groupe Bigard a mis au point avec la société néo-zélandaise Anago une machine à tester le pouvoir de coupe du couteau. Trois de ces machines circulent dans les ateliers depuis juin 2014. Elles mesurent la performance de la ligne de coupe et la force à exercer sur le couteau. Deux formateurs en techniques d'affûtage et d'affilage interviennent dans la foulée pour corriger les mauvais gestes des salariés dans l'amélioration de leur outil de travail. Alors qu'avec un couteau parfaitement affûté et affilé, une pression de 370 g sur le manche suffit, ces mesures ont montré que certains appuient à plus de 3 kg sur chaque geste. La pédagogie de l'outil et l'efficience des formations ont, semble-t-il, convaincu les plus sceptiques.

Bigard travaille aussi sur l'amélioration des outils de travail. Le fabricant de couteaux Fischer-Bar-goin a développé pour le groupe un nouvel acier spécifique, plus souple d'utilisation et plus résistant. Quarante mille nouveaux couteaux seront progressivement livrés dans les ateliers. Avec ce nouveau matériel, mieux entretenu suite aux mesures et aux formations, Bigard prévoit une amélioration de la productivité des opérateurs et de la qualité visuelle du travail fini. L'intérêt de « gommer le ressenti », comme le souligne Philippe Sarra, semble évident.

Des capteurs pour évaluer la pénibilité

C'est la même logique d'évaluation objective qui a présidé à l'expérimentation menée sur sept sites volontaires. Celle-ci est partie du lien avéré entre les maladies professionnelles, surtout les troubles musculo-squelettiques, et l'exposition aux vibrations. Le groupe a procédé à des mesures vibratoires dans des ateliers de conditionnement, d'emballage et de suremballage, en attendant de le faire sur des sites d'abattage. Concrètement, des accéléromètres, sorte de microcapteurs, sont placés dans les gants des salariés, et enregistrent le déplacement de leurs mains. En parallèle, les gestes sont filmés avec une caméra embarquée. Cinq cent quarante-deux opérateurs ont été équipés de capteurs, sur deux cents postes de travail différents. L'objectif est de repérer les mouvements et les postes qui sollicitent le plus les membres des salariés, et à partir de quelle durée. « On pouvait passer à côté de plein de choses, là on met le doigt où ça fait mal », souligne Philippe Sarra.

DES VÊTEMENTS DE HAUTE TECHNICITÉ

Dans le même registre de l'expérimentation contre la pénibilité, trois sites du groupe testent de nouveaux vêtements techniques. L'idée est d'offrir aux salariés exposés au froid une alternative à la superposition de couches, qui entrave la fluidité des gestes. En s'inspirant des équipements sportifs de haut niveau, Bigard a réfléchi avec des fabricants français à un vêtement chaud et peu épais, moderne et intégrant des problématiques de visibilité. La perception des salariés sur cette rupture avec les traditionnelles blouses sera étudiée de près.

Ces mesures nourriront une base de données qui sera, pour un directeur des ressources humaines, un directeur de site ou de production, une aide à la décision dans l'organisation d'un atelier en fonction de la pénibilité. « Cela va nous permettre de mettre en place des parcours de rotation professionnelle, du multiposte », poursuit Stéphane Fargeas. « Ce qui nous aidera à régler nos problématiques d'absentéisme, et amènera de la diversité aux opérateurs », complète-t-il. À la suite des campagnes de mesures, deux sites pilotes, dont Charal Cholet, vont entrer dans la phase opérationnelle de réorganisation des ateliers. Histoire de motiver les équipes, « on fait tester les innovations aux sites qui améliorent leurs résultats en sécurité », précise le directeur des ressources humaines de Charal.

Une économie annuelle estimée à plus de 10 000 journées d'absence

” Grâce à l'organisation mise en place, aux outils de communication et à des innovations tournées vers la pédagogie, le groupe Bigard améliore d'année en année ses résultats en matière de santé-sécurité au travail. La baisse du nombre des accidents du travail a ainsi été de 12,3 % l'an dernier, celle des maladies professionnelles de 14,2 %. 73 % des sites du groupe ont vu leurs résultats s'améliorer. Stéphane Fargeas estime l'économie annuelle « à plus de 10 000 journées d'absence ».

Les marges de progrès restent néanmoins réelles : les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ont représenté trois cent quarante équivalents temps plein absents en 2014, soit l'équivalent d'un site comme Castres à l'arrêt sur une année, informe le groupe dans son agenda santé sécurité.

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