Le glycérol, du nouveau pour la nutrition animale
Qui dit biocarburants dit coproduits. Qui dit développement des biocarburants dit donc augmentation des disponibilités en coproduits. Or, le seul débouché capable d’absorber ces excédents est la nutrition animale, pour peu que leurs prix soient compatibles avec ses contraintes économiques. Aux côtés des tourteaux de colza et drèches de blé ou de maïs, les biocarburants laissent aussi de plus petits produits en volumes mais nutritionnellement intéressant. Ainsi, la mise en œuvre de 100 litres d’huile (de colza) additionnés de 10 litres de méthanol permet d’obtenir 100 litres de biodiésel plus 10 litres de glycérol. Jusqu’à présent purifié pour l’industrie pharmaceutique, ce coproduit titrait 99 % de glycérol.
Mais ce débouché est désormais saturé et les industriels proposent un « produit riche en glycérol » qui titre plutôt 83-85 % de glycérol et comporte des traces plus ou moins importantes d’eau (11 g/kg), de méthanol, voire de plomb (2 ppm) ou du chlorure de sodium selon les usines de production.
Des recherches menées il y a une quinzaine d’années
Les industriels de l’alimentation animale se voient donc proposer une nouvelle matière première qui, si elle ne leur est pas totalement inconnue (des recherches avaient démarré, il y a une quinzaine d’années, mais le prix rendait toute utilisation alors impossible), fait donc l’objet de recherche de références à marche forcée pour bénéficier de l’opportunité, rare, d’une nouvelle matière première.
Les contraintes réglementaires (pas de protéines ni de corps gras animaux) et de marché (baisse des prix de céréales = disparition du manioc par exemple) érodent en effet peu à peu les possibilités. Tecaliman, le centre technique de l’alimentation animale, vient par exemple de démarrer un programme de recherche sur sa mise en œuvre dans les usines et selon les espèces destinatrices. Produit visqueux dont la viscosité dépend de la température, le glycérol pourrait ainsi bénéficier des installations auparavant dédiées à la mélasse (cuves, tuyauteries voire système de maintien en température), cette dernière étant de moins en moins disponible.
A l’occasion de sa session d’information sur les co-produits des biocarburants en nutrition animale, mercredi 21 mars, l’Aftaa a donné la parole au professeur Karl-Heinz Südekum dont l’université de Bönn a travaillé sur la caractérisation nutritionnelle du produit. « Il y a plus de 50 ans, des chercheurs avaient montré l’intérêt du glycérol pour réduire la kétoacidose chez la vache laitière par l’augmentation des précurseurs du glucose ». En Allemagne, le glycérol produit est consommé par les usines d’aliments pour animaux, mais aussi directement dans les grosses exploitations laitières de l’Est. « Il faut d’abord connaître précisément le process du fournisseur pour connaître le contenu en énergie du produit » rappelle le chercheur.
Ce dernier recommande de ne pas dépasser 5% de glycérol dans les formules pour porc « car au-delà l’animal ne sait pas l’utiliser et l’excrète tel quel ». Les volailles pourraient en consommer jusqu’à 10% de leur ration. En bovins, son effet est plus complexe. Son incorporation impose de revoir le profil de la formule : ainsi, l’association soja + glycérol impose de réduire l’incorporation de blé qui apporte trop d’énergie facilement fermentescible. Les génisses de Bönn ont pu en consommer plus d’un kilo/jour car elles apprécient son goût.