Le gène du steak trop dur enfin démasqué
L'Inra vient de percer un peu plus le mystère de l'origine de la tendreté du bœuf. Des chercheurs de l'institut ont découvert une relation entre l'expression d'un gène et la dureté de la viande bovine. Ce résultat, qui fait l'objet d'un brevet, ouvre des perspectives dans la mise au point d'un test génétique ou immunologique permettant d'identifier les bovins ayant le potentiel de développer du muscle tendre. « Une révolution biologique est en marche, grâce à l'approche génomique », estime Jean-François Hocquette, du centre Inra de Theix.
Les chercheurs ont passé au crible le profil d'expression des gènes dans le muscle de 14 taurillons charolais. Ces animaux sont issus d'une sélection divergente sur le potentiel de croissance musculaire, considérée comme favorable à l'amélioration de la tendreté. Les transcriptomes (ensemble des gènes exprimés) des muscles Longissimus thoracis (entrecôte) ont été analysés à l'aide de puces à ADN et comparés sur la base des qualités sensorielles (tendreté, jutosité, flaveur) et du potentiel de croissance musculaire.
Une relation négative a ainsi été mise à jour entre l'expression du gène DNAJA1 et la tendreté de la viande évaluée par un jury de dégustation. Le niveau d'expression de ce gène explique jusqu'à 63 % de la variabilité de la tendreté. La protéine Hsp 40 codée par ce gène contribuerait à ralentir le processus de mort cellulaire (apoptose) et diminuerait ainsi la maturation de la viande, processus favorable à son attendrissement dans les jours suivants l'abattage de l'animal.
Test de routine
Ces travaux sont réalisés dans le cadre du programme d'analyse du génome des animaux d'élevage (Agénae). Les chercheurs envisagent aujourd'hui de valider la relation entre l'expression de DNAJA1 et la tendreté de la viande sur un plus large effectif de bovins à viande (charolais, limousins, etc). Cela devrait déboucher sur la mise au point d'un test de routine simple, utilisable à l'échelle industrielle, permettant d'identifier les bovins ayant un potentiel à produire une viande tendre. « Les Australiens commercialisent déjà des tests génétiques. Mais, ils ne sont pas forcément pertinents chez nous », souligne Jean-François Hocquette.
Seulement 30% de la variabilité de la tendreté de la viande est liée au mode d'élevage, au type génétique de l'animal, au type de morceau. L'identification de nouvelles caractéristiques biologiques du muscle (teneur en collagène, en lipides intramusculaires, en enzymes et en inhibiteurs enzymatiques, taille et type des fibres musculaires) ayant une forte influence sur la qualité de la viande constitue donc un enjeu majeur pour la filière des animaux de boucherie. D'autant plus que ces critères pourront être intégrés aux schémas de sélection des bovins reproducteurs.