Le désir de santé
Il n’est pas banal que les communicants prennent la plume en leur nom propre. Quand ils sont les fondateurs de la principale agence de communication sur la nutrition-santé, qu’ils ont pour client Kellog’s, Nestlé, Mac Donald’s ou Ferrero, leur analyse et leur opinion ne peuvent que susciter la curiosité des acteurs et des observateurs du monde de l’agroalimentaire. De fait, le livre de Christophe Thomassin et Jean-Michel Gilibert, les créateurs de l’agence Protéines en 1989 (65 collaborateurs, dont 12 scientifiques intégrés) est non seulement instructif mais surtout d’une actualité brûlante. Les deux auteurs démontent l’historique et les ressorts du « désir de santé », devenu en quelques années la préoccupation centrale des consommateurs et l’un des principaux vecteurs de croissance des entreprises d’agroalimentaire. Car le « désir de santé » excède le seul souhait de ne pas être malade. « On ne pense plus uniquement l’état de santé sur le mode individuel mais également sur le mode collectif, c’est-à-dire qu’il y a une attente d’environnement sain », relève Philippe Lamoureux, le directeur de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), interviewé dans le livre. « On le voit bien au travers des exemples de la sécurité routière, de la suppression des distributeurs de produits sucrés à l’école ou bien de l’interdiction de fumer dans les lieux publics ». Autant d’initiatives qui n’ont finalement guère suscité d’opposition, tant il est devenu intolérable aujourd’hui que le plaisir individuel puisse menacer la santé des autres. Le « désir de santé » est une nouvelle morale, au même titre que « l’environnementalement correct », pourrait-on ajouter. Mais le propos de Christophe Thomassin et Jean-Michel Gilibert n’est pas de juger le phénomène mais de pointer du doigt la nécessité absolue qu’ont les entreprises à se plier à cette injonction collective. Non seulement dans la formulation de leurs produits, mais aussi dans le management de leurs équipes. Un jour, pronostiquent les auteurs, les entreprises auront peut-être le devoir de faire maigrir leurs salariés et de veiller à leur bonne hygiène de vie. On n’en est plus très loin...
Le désir de santé, nouvelle aspiration des consommateurs, nouveau défi pour les entreprises, de Christophe Thomassin et Jean-Michel Gilibert. Edition Eyrolles, 198 pages, 25 euros.