L'aventure des premiers supermarchés

Qui se souvient que la vente en libre-service (en 1948) et le supermarché (en 1958) ont été importés en France par une enseigne aujourd'hui disparue, Goulet Turpin ? Que le concept du libre-service a été popularisé pendant la première guerre mondiale aux Etats-Unis par un certain Clarence Saunders, qui en résumait ainsi le concept à ses amis épiciers : « laissez le client se servir lui-même, faites-lui faire le travail à votre place. » Que le premier « Carrefour » portait le nom de l'immeuble qui l'abritait, dans le quartier du Parmelan à Annecy ? Que le premier supermarché de province ouvrit à Strasbourg, en 1959 ? Les réponses figurent dans un livre très documenté de notre confrère Frédéric Carluer Lossouarn (Linéaires). L'ouvrage raconte en détail « l'aventure des premiers supermarchés », de leurs premières versions d'outre-Atlantique jusqu'à l'ouverture du premier hypermarché français, le Carrefour de Sainte-Geneviève des Bois, le 15 juin 1963. Outre l'épopée mal connue du premier supermarché (l'Express Marché de Rueil-Plaine de la famille Goulet Turpin), illustrée en détail par les témoignages des protagonistes, le récit vaut par une intéressante remise en perspective historique. On apprend ainsi que, contrairement à ce que suggère le succès mondial de leurs enseignes, les premiers patrons français du commerce ont commencé par prendre du retard sur leurs voisins britanniques ou allemands, qui ont cru avant eux au succès du supermarché. Les Leclerc et les Mulliez se sont bien rattrapés depuis… L'auteur nous rappelle aussi qu'avant de s'opposer, comme Jean Royer, à l'hégémonie des grandes surfaces, les hommes politiques français, à commencer par le général De Gaulle, ont commencé par les encourager, pour permettre la diffusion des produits de consommation courante auprès d’une population en voie d'urbanisation et, surtout, pour juguler l'inflation. Dans ce contexte, les batailles menées par les détaillants d'alimentation générale-et leurs grossistes (ils étaient 47 000 dans l'alimentaire en 1960 !) - apparaissent bien vaines, mais surtout très malhabiles.