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L’avenir du lait de montagne en question

Conforter les acquis dans les massifs de l’Est. Redynamiser une production en perte de vitesse dans le Massif central. Tels sont les enjeux de la filière laitière de montagne pour les années à venir.

Quel avenir pour le lait de montagne ? Lors du Sommet de l’élevage, FranceAgriMer et l’Idele ont présenté les résultats d’une étude dont l’objectif était d’évaluer les conséquences de la fin des quotas laitiers dans les bassins laitiers de montagne. Si la production a bien résisté jusqu’à leur suppression, qu’en sera-t-il dans les années à venir alors que sa redistribution n’est plus attachée au territoire ? Et, que faire pour éviter un risque de délocalisation vers la plaine ? Des questions qui concernent plus particulièrement le Massif central où la substitution de l’élevage allaitant à l’élevage laitier, qui s’accentue ces dernières années, est préoccupante et menace l’avenir même du territoire. Quand l’élevage laitier dégage un produit brut de 2 300 euros/hectare et génère 1,07 emploi (ETP) induit par emploi dans la production, l’élevage allaitant n’affiche respectivement que 870 euros par hectare de produit brut et 0,76 ETP induit. De nombreuses recommandations ont émergé de cette réflexion qui a associé producteurs, transformateurs, organismes de conseils… Sollicitées, les collectivités territoriales ont peu participé.

 

UN MAILLAGE SERRÉ D’OUTILS DE TRANSFORMATION

Les propositions portent essentiellement sur la redynamisation de l’amont. « Les entreprises de collecte, particulièrement dans le Massif central, sont très inquiètes de l’avenir de la ressource laitière », dévoile Yannick Péchuzal, chef de projet économie des exploitations d’élevage à l’Idele. Les différents massifs de montagne disposent encore d’un maillage serré d’outils de transformation et d’une bonne dynamique d’investissements. La réputation de leur plateau fromager n’est plus à faire : plus de 50 % du lait est transformé en fromages et les signes officiels de qualité (Siqo) y occupent une place prépondérante. Les acteurs de ces filières estiment qu’il faut continuer à renforcer les cahiers des charges de ces « locomotives » de la production laitière de montagne, afin de pouvoir mieux communiquer sur les réponses que les Siqo apportent aux attentes sociétales, et généraliser les démarches de régulation de l’offre (RRO). Ils demandent aussi une intensification de la recherche sur le lait cru pour pouvoir mettre davantage en avant ses bienfaits et mieux sécuriser les transformations. Une meilleure valorisation des lactosérums par des plans collectifs locaux apporterait enfin un supplément de valeur.

 

RELANCER LA DÉNOMINATION MONTAGNE

Si les Siqo procurent un bon niveau de rémunération du lait dans les massifs de l’Est (Savoie, Jura), où ils valorisent plus de 85 % du lait, la plusvalue est encore modérée dans le Massif central (hormis dans l’appellation Laguiole), bien qu’elle s’améliore d’année en année avec un prix du lait qui tend à se déconnecter du prix du lait standard. Mais, dans le Massif central, les appellations ne valorisent que le quart de la production laitière. La moitié du lait est orientée vers des débouchés rémunérateurs mais sans retour aux producteurs et l’autre quart est destiné aux marchés standard des PGC. Le lait bio, dont la collecte a explosé dans le Massif central en 2016 et 2017, est une des voies de valorisation. Mais, il représente une part minime de la collecte et cette croissance semble pour l’instant stoppée. Pour Michel Lacoste, secrétaire général adjoint de la FNPL, le grand enjeu du Massif central est de « développer en concertation entre les acteurs de la filière et les pouvoirs publics une différenciation positive, créatrice d’une valeur à partager ». Une montée en gamme du lait standard qui pourrait être portée par la dénomination montagne. Si elle confère une garantie de provenance, elle n’apporte jusqu’à aujourd’hui aucune plus-value aux producteurs. L’objectif serait de différencier les produits laitiers de montagne, via un cahier des charges qui définirait le standard du lait de montagne, et de répartir la plus-value contractuellement entre les différents acteurs. La réflexion va être engagée au sein du Criel Auvergne-Rhône-Alpes.

 

DES VALEURS PROCHES DU LAIT BIO

Cette volonté de remettre le lait de montagne sur le devant de la scène est confortée par les constations de Marc Delage, directeur des produits ultrafrais et lait chez Carrefour, enseigne qui distribue depuis longtemps du lait UHT sous cette dénomination : « lorsque nous étions en rupture de lait bio en 2017, les consommateurs ont transféré leurs achats essentiellement sur le lait de montagne. C’est très positif. Cela signifie qu’avec son image de naturalité, il est très vite assimilé au lait bio. Beaucoup d’actions peuvent être engagées pour le valoriser ».

Quant au retour aux producteurs, il cite en exemple le contrat tripartite signé en Normandie pour valoriser du lait frais sous marque FQC avec prix garanti au producteurs, pour suggérer ce qui pourrait être fait sur le lait de montagne.

 

COMPENSER LES SURCOÛTS DE PRODUCTION ET DE COLLECTE

Les faiblesses de la production laitière de montagne sont bien connues. En premier lieu, l’écart de coût de production entre plaine et montagne (hors massifs de l’Est), qui atteint 130 euros par mille litres de lait (en 2016). Il est compensé mais en partie seulement par des aides, à hauteur de 60 euros. Les acteurs de la montagne visent la prochaine PAC et demandent une revalorisation de l’ICHN et sa gradation en fonction de la production et de l’adhésion à un cahier des charges ou à une filière de segmentation. Face au risque de remplacement de la production laitière par l’élevage allaitant dans le Massif central, ils sollicitent la création d’une véritable « prime au maintien du troupeau de vaches laitières » ou une plus grande différenciation de l’aide bovine laitière en faveur de la montagne. La compensation publique des surcoûts de collecte, évalués entre 14 et 35 €/mille litres, est une demande récurrente des filières de montagne, qu’elle se matérialise par une aide directe, un dégrèvement des charges sociales des chauffeurs ou une défiscalisation des carburants utilisés pour le ramassage du lait. Elles envisagent de s’appuyer sur l’aide à la collecte qui existe dans le Sud Tyrol (Italie), sur fonds régionaux et européens, pour apporter du crédit à une telle demande auprès des autorités européennes.

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