Lait : Even continue d'investir malgré la crise

Le chiffre d'affaires d'Even a reculé d'un rien: 60millions d'euros en moins entre 2014 et 2015, à 2,1milliards d'euros avec 5640 salariés (+120 emplois nets en 2015). Le résultat n'est pas communiqué. Ce chiffre d'activités ne remet aucunement en question la stratégie d'Even pour les années à venir. Le groupe breton, premier actionnaire de Laïta (61% de son ” chiffre d'affaires) formé en 2009 avec Triskalia et Terrena (marque Paysan breton), poursuit une stratégie claire: investir, innover et internationaliser son activité. Sur ces trois items, Even répond présent après avoir investi en moyenne 50millions d'euros par an depuis 2012. Le groupe injecte en 2016 100millions d'euros dans ses usines, principalement dans Laïta.
Une nouvelle tour de séchage
40 millions d'euros (annoncés dès 2014) permettront de réaliser la dernière partie de l'usine de Créhen (Côtes-d'Armor) qui se voit dotée d'une tour de séchage mixte (poudres de lait prémium et infantile) d'une capacité de 30 000 t par an, d'une unité de déminéralisation de lactosérum et d'un atelier de boîtage pour lait infantile. « Cette unité, qui sera opérationnelle en 2017, s'inscrit dans un schéma d'optimisation industrielle à l'échelle du groupe», précise Christian Couilleau, directeur général du groupe. Le reste confortera les processus déployés dans les autres usines de transformation laitière. L'innovation est, pour Even, le vecteur d'une meilleure valorisation de la production de ses adhérents et de ceux de ses deux partenaires (1 500 fermes pour 1,510 milliard de litres de lait). Une cinquantaine de nouveaux produits de grande consommation et des fromages à marque Paysan breton (20 % du CA) ont été mis sur le marché en 2015, ainsi que de nouveaux ingrédients secs, comme les poudres de yaourt à fonctionnalités, laits infantiles, boissons liquides à haute teneur en protéines, etc. Even se place résolument sur le marché avec une offre qui est « tout sauf low cost, souligne Christian Couilleau, une entreprise qui innove est moins substituable qu'une autre sur le marché ».
Une cinquantaine de nouveaux produits à marque Paysan breton en 2015
L'internationalisation, dernier axe de la stratégie d'Even se renforce dans cette ère post-quotas laitiers où plusieurs opérateurs, notamment en Europe du Nord débrident leur production pour se positionner sur un marché mondial où la consommation croît de 2 % par an. Déjà exportateur de 40 % de son chiffre d'affaires, Laïta a participé à de nombreux salons internationaux l'an passé, ouvert deux bureaux en Chine et au Vietnam et noué de nouveaux accords en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. Conscient qu'une exposition mondiale accroît les risques d'être copié, Even se met à protéger intellectuellement certaines de ses fabrications les plus sophistiquées, notamment en nutrition clinique (3 brevets mondiaux déposés). Le groupe ambitionne désormais de réaliser 50 % de ses ventes hors de France d'ici à 2020. « Ce qui nous permettra d'arbitrer nos ventes entre le marché national et l'exportation », ajoute Guy Le Bars, président d'Even.
Cette stratégie de valeur ne vaut qu'à la condition de maîtriser sa production, tout à la fois en soutenant des producteurs en proie à «une crise violente et longue», selon Christian Couilleau, et en maîtrisant le volume de production à transformer. « Toutes primes confondues, le prix du lait payé par Even atteignait en moyenne 327 euros pour 1 000 litres sur la campagne 2015-2016 », explique Guy Le Bars. Pour la campagne actuelle, le prix devrait tourner autour de 280euros pour 1000 litres.
Une aide de 12 € / 1000 l
Even a décidé de retourner une partie du résultat à ses 1 500 adhérents (800 fermes), sous la forme d'une aide de 12 euros pour 1000 litres. C'est une aide significativement augmentée d'une année sur l'autre, puisqu'elle représente 5 millions d'euros contre 3 millions d'euros l'année précédente. Le groupe propose également des avances de trésorerie. Parallèlement, Even veut limiter une trop forte augmentation de la production de ses adhérents (+2,4 % en 2015) en pénalisant plus fortement le lait excédentaire qu'elle ne pourrait valoriser. Ce lait était payé l'an passé 80euros pour 1 000 litres, « mais nous en avons eu 12 millions de litres sur la campagne, soupire Guy Le Bars, c'est trop ! C'est pourquoi, nous baissons le prix C à 40euros sur la campagne 2016-2017. »
Nous baissons le prix C à 40 euros sur 2016-2017
Malgré cela, l'attractivité du groupe Even dans les rangs des producteurs laitiers bretons reste forte. Pas moins de 35 jeunes sont entrés dans la coopérative Even ” l'an passé, contre une vingtaine par an habituellement. La raison? La stratégie du groupe dans le lait et plus généralement sa solidité qu'elle doit à une tout autre activité, la distribution alimentaire (25 % du CA, mais plus de la moitié de ses effectifs). Even Distribution, ce sont dix sociétés indépendantes implantées régionalement qui livrent près de 60 000 restaurants en France. Even va consacrer cette année, sur l'enveloppe des 100 millions d'euros d'investissement, 15 millions d'euros à l'amélioration de la logistique – Even teste quelques véhicules électriques dans des hypercentres. La distribution alimentaire présente un sérieux avantage par rapport au lait : elle n'est pas exposée à la volatilité des prix mondiaux. « Mais la crise actuelle ne sera pas durable », clame Christian Couilleau.
Lorsqu'on lui pose la question sur la mention d'origine sur l'étiquetage, Guy Le Bars répond sans hésiter : « Je suis tout à fait favorable à l'étiquetage de la mention d'origine, car le consommateur a le droit de savoir. Mais aujourd'hui, c'est vrai que l'industriel est plus préoccupé par les fonctionnalités d'un produit que son origine. » Even peut facilement donner cette réponse, dans la mesure où la totalité de ses produits laitiers est issue d'une production 100 % française. Il en va autrement pour Even Distribution qui est amené, parfois, à commercialiser des produits importés. En quel cas, assure Guy Le Bars en substance, les produits d'Even feront évidemment mention de l'origine de la viande et « le consommateur arbitrera ».