L’agroalimentaire comme une armée sans chef
Les Marchés : Il est beaucoup question des surcapacités de production dans l’agroalimentaire breton. Est-on à l’aube de fortes restructurations ?
Alain Glon : Aujourd’hui, quel que soit le secteur industriel, les usines sont en surcapacité de 30 %, en agroalimentaire comme en téléphonie. La production part où elle est la moins chère, comme le poulet au Brésil. Est-ce que la notion d’agroalimentaire breton a encore un sens ? Dans notre groupe, nous défendons le lien au sol, mais la production économique semble de moins en moins attachée à la production nationale. Peut-on se défendre seul en tant que secteur économique, sans l’État ? Aucune volonté politique n’est marquée alors que la mondialisation est une lutte totale et sans merci. L’agroalimentaire français se trouve un peu comme une armée qui doit partir au combat sans chef. Les USA sont par contre passés maîtres dans l’art de la mondialisation : leur poulet est plus cher à produire qu’ici et pourtant, par leur volonté politique, ils risquent de nous vendre des cuisses de poulets passées dans le chlore pour éliminer toutes les contaminations microbiennes !
LM : L’Europe fait-elle le poids ?
Alain Glon : Aujourd’hui, chaque entreprise se bat pour elle et pour elle seule. Avant, nous disposions de protection aux frontières au sein desquelles chaque société avait sa propre trajectoire, mais dans un univers commun. Maintenant, nous avons le sentiment que l’Europe veut sacrifier ses volailles au profit de ses Airbus. Les entreprises n’ont plus les moyens d’investir, or ne plus investir c’est à terme choisir la fermeture des sites industriels. L’État n’a pas de stratégie de défense, on a le sentiment aujourd’hui que c’est le pouvoir de nuisance qui prime. Partout dans le monde, les pays qui apparaissent les plus dynamiques sont pourtant ceux dans lesquels existent une relation étroite et consensuelle entre État et industrie.
LM : Nombreux sont vos collègues qui estiment que l’agroalimentaire est montrée du doigt dans le PNNS 2.
Alain Glon: Le PNNS constitue une bonne démarche, mais il ne faudrait pas qu’il reste un vœu pieux. Avec nos œufs Benefic, nous montrons qu’il est possible de proposer des solutions nutritionnelles. Mais l’alimentaire ne représente plus que 14 % du budget des ménages en France alors qu’au Japon il est passé de 18 à 20 % : l’agroalimentaire a fait chez nous des gros efforts qui ne sont pas reconnus et qui finalement le fragilisent.