Lactalis veut améliorer le profil nutritionnel du lait standard
Les Marchés : Le groupe Lactalis veut modifier le standard laitier. Pour quelles raisons ?
Gérard Maréchal : Depuis plus de trois ans, le groupe Lactalis travaille sur le profil en acide gras du lait. Il s’agit de fournir au consommateur non pas un lait spécifique répondant à la demande d’une partie de la population, mais bien de prendre en considération les évolutions des connaissances nutritionnelles et de réduire les apports en acide gras saturé pour toute la population via le lait et les produits laitiers. Ces derniers sont de plus en plus la cible des critiques des nutritionnistes qui associent beurre et maladies cardiovasculaires. Nous avons donc la volonté d’infléchir la qualité nutritionnelle de l’ensemble du lait en constituant finalement un nouveau standard. Le fait que la collecte ne soit pas dédiée et que nos beurreries et crèmeries reçoivent leurs matières premières de plusieurs bassins de collecte renforce cette nécessité d’une amélioration de l’ensemble de la production.
LM : Vous allez donc proposer un lait enrichi aux oméga trois ?
Gérard Maréchal : Nous travaillons de façon transversale, non seulement sur les apports alimentaires des vaches laitières pour leurs performances zootechniques, mais également sur l’amélioration du profil en acides gras complet. Il s’agit donc d’une démarche beaucoup plus large que les seuls oméga trois. Notre adhésion en février dernier à Bleu-Blanc-Cœur *, qui ne concerne pour l’instant aucun produit fini, ne veut pas dire que nous nous arrêtons aux seuls oméga trois, mais bien que l’association évolue et élargit sa démarche. Ainsi, nous cherchons à obtenir un lait à teneur réduite en acides gras saturés (moins de 25% d’acide palmitique et autour de 10% d’acide myristique) et riche en acides gras oméga trois et oméga six (dont le CLA, acide linoléique conjugué).
LM : Imposez vous donc une alimentation aux éleveurs ?
Gérard Maréchal : Non, absolument pas, les producteurs sont totalement libres, nous leur proposons simplement un accompagnement technique. Notre gamme d’aliments Clairalim apporte bien sur les éléments nécessaires, mais les éleveurs n’ont aucune obligation d’achat.
Nous avons des accords avec certains fabricants d’aliments pour animaux qui répondent à notre cahier des charges amont qui privilégie notamment des matières premières métropolitaines telles que le lin, le colza, la luzerne déshydratée, le pois ou le lupin. Il définit également le mode de préparation de ces matières premières, une graine entière de lin n’apportant pas le même bénéfice qu’une graine de lin extrudée. Ces industriels peuvent soit répondre au cahier des charges de la marque soit proposer à leurs clients leur propre gamme d’aliments.
Les mesures réalisées depuis plusieurs années nous permettent d’être sûrs de l’impact de l’alimentation sur le profil en acide gras du lait et d’identifier toute modification sur une période très courte. Nous savons ainsi si les aliments comportent bien en qualité et en quantité les matières premières bénéfiques au profil en acide gras du lait.
LM : Et les coproduits des biocarburants ?
Gérard Maréchal : J’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que l’industrie laitière ne souhaite pas être le débarras de la filière biocarburant. Si le tourteau de colza par exemple est intéressant dans un aliment pour vaches laitières, il ne faut pas en donner une quantité trop importante. Certains vont jusqu’à 6 ou 7 kg par jour sous prétexte qu’ils sont disponibles. Même si les performances zootechniques de l’animal sont assurées, l’impact d’un déséquilibre dans le profil des acides gras du lait suffit à éliminer ces pratiques. Nous sommes également interpellés par certaines matières premières comme l’huile de palme, les sels de calcium ou certains isomères.
(NDLR : association promouvant l’utilisation de lin et dont la marque est apposée du sac de semences à la tranche de jambon).