La situation des produits tripiers s’est éclaircie
Les produits tripiers souffrent encore d’idées reçues et de craintes sanitaires, a montré une enquête CSA présentée le 12 juin lors d’un colloque à Rungis. D’après 500 responsables des courses de foyers parisiens et lillois, ce sont des plats pour adultes, plutôt fastidieux à préparer et destinés à de grandes tablées, plutôt à la campagne ; on les trouve davantage à la carte des bistrots et brasseries qu’à celles des grands restaurants ; les jeunes les considèrent passés de mode. Certains consommateurs se sont vus déconseillés d’en consommer par leurs médecins tandis que d’autres gardent un a priori négatif à l’égard de la cervelle. La langue-de-bœuf, la tête de veau et le cœur cumulent tous ces préjugés. Le public interrogé était demandeur d’identifiants et de garanties de qualités (labels), des mentions de l’origine et de la date d’emballage, d’une divulgation d’informations nutritionnelles dans les écoles et crèches et de livrets de recettes, avec une préférence nette des 18-24 ans pour les plats micro-ondables. Selon Louis Orenga du CIV, la communication sur les qualités nutritionnelles peut bien servir à conserver les consommateurs fidèles, mais pas à déclencher l’achat.
Pour le cœur de veau, c’est sans espoir ; même préparé en goulasch, il fait fuir, a confirmé Jean-Paul Chapin, dirigeant de la société éponyme spécialisée dans le veau, lors d’un tour de table. Quant aux autres abats, il faut « rendre le cru appétissant dans le rayon », a suggéré Pierre-Yves Perrin du groupe Socopa, qui prépare des UVCI (sans marque aujourd’hui). Il faut créer un lien entre un produit et sa recette pour « suppléer à l’héritage culinaire familial », a-t-il précisé. La solution trouvée par les Tripes Paillard en Normandie, est dans les petits conditionnements micro-ondables, dans la variété des recettes, ainsi que dans les affiches et les dégustations. « Des magasins peuvent passer une tonne de produits en un week-end », a assuré la dirigeante Anne-Marie Tabot. La pasteurisation a conforté les ventes en frais, a-t-elle souligné, abordant le problème crucial de la conservation. Ce problème-là a été cité comme le premier handicap des produits tripiers en boucherie traditionnelle par Bernard Merhet des Boucheries d’Ile-de-France.
En grande distribution en revanche, le bon pli est pris chez Auchan où les produits tripiers représentent désormais 3 à 6 % des chiffres d’affaires (hors produits élaborés). « Un spécialiste nous livre (en UVCI) et on progresse en volume », a-t-il affirmé, soulignant l’impératif de permanence une gamme complète. La progression sous l’enseigne Auchan a été « à deux chiffres » l’an dernier, profitant des campagnes de communication de la confédération professionnelle.
Carpaccio de tête de veau
Selon l’industriel du Sud-Ouest Bertrand Barral, venu présenter sa stratégie d’innovation permanente, il ne faut pas hésiter à se plier aux modes de consommation. Il faut suivre le consommateur jusque dans son illogisme (le froid et le solide sont perçus comme moins gras) et ses hérésies (la sauce Gribiches sans câpres), d’où son idée de carpaccio de tête de veau. Sa seule règle est la régularité, les plats devant être présents et de qualité constante tout au long de l’année, et à un prix stable. En matière d’innovation culinaire, la CNTF attire l’attention des industriels voulant valoriser leurs abats sur 10 maquettes de « nouveaux produits tripiers » mis au point l’an dernier par l’Adiv et éprouvés auprès de consommateurs et de professionnels. En valorisant mieux les abats, les industriels de la viande limiteront la hausse des prix sur le muscle.
L’exportation se développe, mais il reste du travail à fournir pour conforter le marché intérieur. Il faut apporter des solutions aux artisans et normaliser les relations avec la restauration collective.
La reprise est là, encore fragile. Ainsi, selon le Credoc, la consommation est revenue à un niveau légèrement supérieur à celui de 1999 en grammes consommés par jour, alors que l’ensemble des viandes a régressé. En 2007, la vente de 43 500 tonnes a engendré 341 millions d’euros pour un prix moyen de 8,4 euros/kg, contre 40 800 tonnes en 2003 à 7,1 euros/kg ayant engendré 308 M Eur. Mais les moins de 35 ans posent problème, ils représentent un quart de la consommation et la pénétration des produits tripiers dans cette tranche d’âges a régressé depuis 5 ans.