La restauration va-t-elle pleurer le Brésil ?
L’entrecôte se raréfie dans les restaurants, les cartes remplacent subtilement le « pavé de rumsteck » par le « pavé de bœuf » ou la « pièce du boucher »… Ces indices trahissent le manque laissé par la viande bovine brésilienne alors que les prix de la viande piécée sous vide étaient déjà en hausse en janvier. L’embargo européen en vigueur depuis le début de ce mois de février commence à provoquer des tensions sur le marché européen des pièces nobles ordinairement importées - entrecôte, filet, faux-filet et cœur de rumsteck - constate un trader. Il se ferait déjà sentir sur la noix d’entrecôte, pièce favorite de la restauration hors domicile en France. Cet embargo tombe à un moment où la demande tire un peu trop sur l’offre européenne, constate cet observateur. Les hausses vont se transmettre d’un pays à l’autre.
L’Allemagne n’important plus de faux-filet de zébu, tendrait à restreindre ses expéditions en France. Si bien que le filet et le faux-filet, dont le prix de gros est pour l’instant stable en France, ne tarderait pas à augmenter. Les hausses de prix seront amplifiées par les reports de charge des entreprises de découpe qui vont laisser une ligne au repos.
Le Brésil, qui représente 65 % des viandes bovines importées des pays tiers, laisse un vide difficilement comblé par les autres pays d’Amérique du Sud. L’Argentine peut difficilement aller très au-delà de son quota Hilton et le petit Uruguay n’a que 10 millions de têtes. D’après les statistiques des exportateurs brésiliens (Abiec), les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont importé du Brésil respectivement l’an dernier 26 000 tonnes, 12 000 t, 14 000 t, 9 000 t et de viande bovine réfrigérée (les Pays-Bas constituant une plaque tournante). La France en a importé directement 2 669 tonnes. L’Italie et le Royaume-Uni ont importé 37 000 t et 17 000 t de viande congelée. Si les 250 000 tec (tonnes équivalent carcasse) importées par les Vingt-sept en 2007 paraissent peu au regard des près de 8 millions de tec consommés (7,8 millions de tec prévus en 2008), ils comblent le « déséquilibre carcasse » du marché européen. Les grossistes et entreprises de découpe à destination de la RHD se tournent vers deux origines moins habituelles pour les pièces à griller : la Pologne et le Royaume-Uni.
Le 25 février, est attendue au Brésil une mission d’inspecteurs européens qui doit rendre des visites inopinées à quelques-unes des 683 ranchs présentés par l’autorité brésilienne. Si par la suite cette liste était inscrite dans le répertoire « Trace » européen, les exportateurs brésiliens pensent qu’il faudrait encore compter 4 à 6 mois avant de faire agréer les quelque 2 700 élevages habilités par le système de traçabilité brésilien « Eras », qui ont été recalés par l’UE fin janvier.