« La relation au transporteur reste essentielle »
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> Jean de Gonfréville, expert en opérations logistiques, associé chez Diagma.
Les Marchés Hebdo : Vous classez les leviers de réduction des coûts de transport en 4 thèmes : les achats, l'organisation, l'utilisation des camions et les systèmes de pilotage. Quel levier est le plus souvent utile ?
Jean de Gonfréville : L'achat de transport est stratégique. Il met en œuvre des appels d'offre, de la négociation, mais avant tout la recherche de partenaires adaptés. La production agricole est saisonnière et variable il faut donc avoir un panel de transporteurs diversifiés et organisés pour prendre en compte ce contexte. Également, il peut être bénéfique d'utiliser, lorsque c'est possible, les alternatives à la route.
LMH : Quels effets a eu le projet d'écotaxe sur le secteur ?
J. G. : Les chargeurs ont cherché à compenser le surcoût attendu. Ils ont, par exemple, essayé de mieux tirer parti des possibilités offertes par le 44 tonnes. On a eu beaucoup de questions liées aux écarts entre le coût réellement payé par les transporteurs au titre de l'écotaxe et le mécanisme de facturation forfaitaire qu'ils devaient répercuter aux chargeurs. Il fallait renégocier. On a pu actionner d'autres leviers pour faire baisser les coûts. Par exemple, mieux remplir les camions, accélérer les opérations de chargement/déchargement, supprimer certaines exigences superflues. On peut également travailler sur la réduction des kilomètres à vide, en mettant en place des schémas de transport plus complexes comme des triangulaires. Les chargeurs ont intérêt à gérer cette complexité s'ils veulent en tirer les bénéfices.
LMH : Vous avez conseillé, lors d'une récente conférence(1) « d'harmoniser les pratiques ». Quels clients visiez-vous ?
“L'utilisation d'une plateforme d'achat électronique est très utile ”
J. G. : Typiquement des groupes qui sont organisés par divisions avec des besoins de transport semblables dans les mêmes régions françaises ou européennes. Si l'on veut mutualiser et optimiser les coûts, il faut parler le même langage. Par exemple, se mettre d'accord sur le panel de transporteurs, les certifications exigées, les systèmes de tarification, au forfait ou en euros/tonne, se mettre d'accord sur le calcul de la surtaxe gazole, les modes de facturation et de paiement… Les systèmes informatiques hétérogènes sont souvent un frein à cette démarche.
LMH : La négociation en ligne est-elle répandue ?
J. G. : Pour des appels d'offre importants avec plusieurs centaines ou milliers de routes, l'utilisation d'une plateforme d'achat électronique est très utile. Négocier derrière un ordinateur n'est pas naturel. Il faut bien informer les transporteurs de la démarche, des conditions de négociation, des critères de choix et les aider tout au long du processus. Il a fallu attendre de bons outils de négociations en ligne pour qu'elles se développent, et que les transporteurs et consultants se les approprient. Chez Diagma(2), nous utilisons l'outil de Trade Extensions depuis trois ans pour le compte de nos clients, et en sommes très satisfaits.
LMH : La négociation en ligne ne risque-t-elle pas de déposséder les chargeurs de leur pouvoir ?
J. G. : Non, pas du tout. En fin de négociations en ligne nous avons seulement des scénarios qui sont des aides à la décision. La relation entre chargeur et transporteur reste essentielle, pour ensuite mettre en œuvre et améliorer le plan transport retenu.
LMH : Les solutions informatiques déterminent-elles la réduction des coûts de transport ?
J. G. : Elles sont un des leviers… et parfois aussi des freins. Il faut donc dans un premier temps réfléchir aux bonnes pratiques, aux bons processus et aux enjeux associés. Une fois ce travail effectué, on peut se poser la question d'outiller certains processus avec des solutions informatiques.
(1) Supply Chain Magazine le 20 mars à Paris avec Diagma et Trade Extensions.
(2) Diagma, cabinet de conseil en logistique, couvre l'agroalimentaire, du champ au rayon du supermarché. Ses clients types sont des grosses PME et des filiales de groupes internationaux, comme Altho Bret's, General Mills, Danone, Mars, Mondelez, Sofiprotéol, et les distributeurs.