La Lucullus de Valenciennes veut parler toutes les langues
La SAS Lucullus entend profiter de la notoriété de son produit phare pour s’imposer comme un bon spécialiste du « traiteur français » haut de gamme. Les nouveaux propriétaires de l’entreprise pourront s’appuyer sur le savoir- faire de Juliette Dendievel, petite-fille des fondateurs.
Dans l’assiette, Juliette excelle dans l’art de mettre en scène « sa Lucullus de Valenciennes » en y apposant quelques touches de confits, tous plus subtils et raffinés les uns que les autres. À Valenciennes, elle représente la troisième génération à confectionner ce feuilleté de langue de bœuf fumée et de préparation à base de foie gras. Sa grand-mère Odette avait obtenu la précieuse recette en 1960 des confidences de M. Parent, traiteur alors fort réputé de la place. Claude Vanbesien, son père, l’a fait passer des portes de la ville aux salons du Sénat et de l’Assemblée nationale. En 1986 et sur la base de la recette originelle, il décide d’en industrialiser la fabrication tout en préservant sa saveur.
Issu d’une famille de charcutiers installée près de l’abattoir de Valenciennes, Claude Vanbesien a repris la petite affaire familiale de Marly-les-Valenciennes et développe la société PLID dans la foulée… jusqu’à son dépôt de bilan brutal en 1999. « À l’époque, la Lucullus de Valenciennes ne représentait que 2 % du chiffre d’affaires de PLID », précise Juliette Dendievel.
Quelques mois plus tard, la petite-fille d’Odette remet en route la production de Lucullus. Elle s’installe dans les locaux situés derrière la maison familiale, utilisés autrefois comme lieu d’emballage et de conditionnement des charcuteries fabriquées dans l’atelier créé à quelques kilomètres de là par son père. Juliette travaille d’arrache-pied. Pendant une dizaine d’années, elle est à la fois à la production, à la recherche-développement et à la qualité, au commercial et à la comptabilité parfois.
Aujourd’hui, elle a fait le choix d’un autre rythme de vie. Elle vient de prendre la décision d’ouvrir le management et le capital en cédant la grande majorité des parts qu’elle détenait dans la société. Désormais, elle ne se consacre plus qu’à ce qui l’a toujours passionnée : la recherche de nouveaux produits et de nouveaux assemblages aux saveurs surprenantes.
Augustin Motte et Joe O’Toole sont les nouveaux propriétaires, depuis le 9 septembre 2009. Ils ont longtemps travaillé ensemble 1 à Hénin-Beaumont. Avec 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008, leur PME employait une douzaine d’équivalent temps plein. Elle a fourni un peu plus de 30 % du marché des spécialités de foie gras (environ 2 millions d’euros).
Désaisonnaliser l’activité
« Nous avons trois métiers principaux », explique Augustin Motte : outre la Lucullus, il y a les confits ainsi que toutes les prestations effectuées pour l’industrie, dont le développement de niches spécifiques (foie gras hallal par exemple). La PME reste cependant très dépendante de la GMS (à 70 % pour la langue et à 95 % pour les confits). 80 % du chiffre d’affaires est réalisé par ses dix plus gros clients.
En dix ans, Juliette a fait un travail décisif. En adoptant le système de la cuisson dans l’emballage, elle a permis d’allonger la durée de conservation du produit tout en gardant ses qualités organoleptiques. Elle a également créé depuis 2002 une gamme de confits sous les marques « Les recettes de Juliette » et « Les saveurs de Mamie ». Aujourd’hui, ce sont plus de 20 recettes différentes et une trentaine de références de confits que la société peut proposer à sa clientèle.
Dès la reprise, les deux responsables se sont fixé un objectif prioritaire : assurer la période des fêtes, préserver la clientèle et surtout rassurer la dizaine de salariés. Objectif atteint, expliquent Joe O’Toole et Augustin Motte. « Les fondations de la société sont solides ; nous avons de bons clients, de bons produits et un véritable savoir-faire », ajoute le président. Ses expériences anglo-saxonnes, en Irlande d’abord, puis dans le groupe Moy Park, seront précieuses pour le développement de cette PME.
Les deux dirigeants se sont lancé un défi : désaisonnaliser et « dérégionaliser » leur production ! Et si la Lucullus de Valenciennes doit rester leur produit phare, ils savent qu’elle reste un produit festif consommé avant tout durant les dernières semaines de l’année. Ils souhaitent donc mettre l’accent sur le développement des confits. « Mais toujours avec un positionnement « haut de gamme » et « traiteur français », explique Joe O’Toole qui avoue qu’il serait « très satisfait si [ses] produits trouvaient leur place cette année à Paris et à Londres ».
Des associations avec le fromage
Juliette, désormais responsable de la recherche et développement, met la dernière main à un millefeuille de produits de la mer qu’elle vient de tester auprès de ses principaux clients ; de nouveaux confits sont également en préparation… Quelques mois après le rachat, l’entreprise est en ordre de marche pour aller prospecter hors des frontières régionales.
Le chiffre d’affaires 2009 a augmenté de 15 % et l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée d’une responsable qualité. « Nous devrions créer 10 à 15 emplois dans les cinq ans qui viennent », estiment les deux dirigeants, qui viennent d’investir dans une nouvelle ligne de conditionnement des confits (130 000 euros) ainsi que dans le renouvellement de leur packaging (25 000 euros).
Augustin et Joe O’Toole veulent conjuguer la tradition historique et la modernité, notamment dans ce secteur du confit qui offre plein de relais de croissance au rayon traiteur ou dans la restauration. Un produit sur lequel les deux dirigeants comptent beaucoup, notamment en association avec certains fromages. « On observe déjà un tel développement aux USA » précise Joe O’Toole qui verrait bien les grands amateurs de fromages que sont les Français adopter les confits sur leur plateau !
1 Âgé de 33 ans, Augustin Motte a été directeur commercial et marketing du groupe Moy Park France pendant dix ans, tandis que Joe O’Toole dirigeait la « business unit » de Moy Park France, d’Albert Van Zoonen et de Kitchen Range.