« La grande distribution est empêtrée dans ses pratiques ancestrales »
Olivier Lauriol, ancien acheteur pour Auchan, Promodès et Carrefour. Actuellement directeur du cabinet de conseil et formation Arkose (spécialisé dans la négociation commerciale).
Les Marchés Hebdo : Dans quel contexte se déroulent les négociations commerciales cette année ?
Olivier Lauriol : On le dit chaque année, mais oui, les relations sont de plus en plus tendues. C'est encore une lutte pour la baisse des tarifs, mais en parallèle la distribution, si elle n'a pas fondamentalement changé son comportement, se donne une image plus collaborative. Elle est en quelque sorte en stand-by, elle cherche comment approcher ce monde des PME sans passer pour un prédateur à l'heure où les dépôts de bilan se multiplient. Effectivement les négociations commerciales sont violentes, pas physiquement ou verbalement. Mais c'est une violence de pression économique. Le plus épouvantable, c'est que la négociation a lieu sur une forme de désespérance. L'industriel n'a pas l'impression qu'il est possible de faire bouger les lignes. Les acheteurs sont souvent extrêmement jeunes, et subissent des pressions internes. Il y a une anxiété due à un manque d'imagination, de clefs de lecture. Il y a des gains de productivité à faire ensemble, oui, mais eux restent uniquement dans leur rôle d'achat. Ils n'ont aucune autre prise de décision. Et aujourd'hui, ça ne marche pas.
LMH : Comment les relations doivent-elles évoluer ?
O. L. : L'acheteur négocie des baisses de tarifs, des ristournes. Là où on pourrait faire de l'échange de data, travailler ensemble la logistique… Être dans une logique de création de valeur. La grande distribution française est en retard dans ce partage d'intelligence. Elle est empêtrée dans ses pratiques ancestrales alors que des choses peuvent être faites à travers une approche plus rationnelle.
LMH : Comment les industriels peuvent-ils se préparer aux négociations ?
O. L. : Il faut prendre en compte tous les aspects, le juridique bien sûr mais pas seulement. Par exemple, nous travaillons avec des comédiens pour théâtraliser la négociation. Nous allons assez loin ! Il faut aussi que les industriels remplissent l'espace. Dès le lendemain des négociations, il y a des choses à mettre en place pour occuper intellectuel-lement la centrale d'achat ! Il ne faut pas qu'ils réfléchissent sans nous sur nos produits.
LMH : Faut-il appréhender les enseignes différemment. Y a-t-il des différences de culture ?
O. L. : Il peut y en avoir. Elles ont des ADN différents, certaines peuvent être plus ouvertes dans le box. Mais dans les faits, toutes les enseignes sont en train de se « galec-iser » ! Système U, Auchan… Le contenu de leurs accords est maintenant très proche de ceux du Galec. Toutes tendent à vider les contreparties de leur contenu.