La fumée et l’escarbille
Quelques poussières minérales disséminées dans l’atmosphère ont donc suffi à briser les ailes du libre-échange mondialisé. Ces derniers jours, une partie du commerce international est restée paralysée du fait de l’irruption d’un volcan dont nul journaliste ne sait encore prononcer correctement le nom. L’Eyjafjallajökull n’imaginait pas que sa colère allait aboutir à clouer au sol des tonnes de marchandises et des milliers de cadres d’entreprise. La mauvaise humeur du volcan islandais a mis à mal les échanges de produits frais alimentaires, par essence périssables. On nous signale un exemple emblématique. Les Japonais, importateurs toute l’année de saumon norvégien pour confectionner leurs sushis, ont dû faire le deuil de cette origine. Mais comme ils sont assez peu portés sur la diète en matière de sushis et font volontiers la nique aux locavores, ils ont contourné l’obstacle en important entre-temps leurs saumons de… Nouvelle-Zélande. L’agroalimentaire français, de son côté, s’en est plutôt bien sorti ; le volcan a en effet eu le bon goût de cracher après la période faste des importations de fruits exotiques ou de contre-saison. Les négociants français de céréales n’ont pas cette chance. Les perturbations du fret ferroviaire, pour eux, c’est toute l’année ou presque. Et elles leur envoient des escarbilles dans l’œil plus préjudiciables que ces cendres de feu d’artifice. Philosophe, un responsable des négociants en céréales nous a répondu, pince-sans-rire : « La désorganisation actuelle du fret SNCF ne fait guère de différence avec la situation habituelle ». S’il voulait vraiment faire peur en France, l’Eyjafjallajökull, au lieu de souffler d’inoffensifs nuages, ferait mieux de brandir sa carte au syndicat des volcans.