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La dépendance alimentaire chinoise est un facteur d’instabilité mondiale

Dans un ouvrage paru en début d’année sous le titre La Chine au risque de la dépendance alimentaire (1), Thierry Pouch, de l’APCA, et Jean-Marc Chaumet, de l’Institut de l’élevage, analysent l’impact de la dépendance alimentaire chinoise sur l’échiquier économique mondial.

Thierry Pouch, 
responsable du service 
des études économiques à l’APCA
Thierry Pouch,
responsable du service
des études économiques à l’APCA
© A-M. Paulais

En quoi la sécurité alimentaire est-elle une question historique en Chine ?

Thierry Pouch - Dans le temps long, la question de la sécurité alimentaire a été centrale pour que la société ne conteste pas le pouvoir en place. En Chine, l’autosuffisance alimentaire est un attribut du pouvoir et un signe de la puissance du pays par rapport à ses voisins. Aujourd’hui, le traumatisme du « Grand bond en avant » qui, selon les estimations a fait entre 30 et 50 millions de morts, reste fort. C’est pourquoi le gouvernement affiche un objectif de 95 % d’autoapprovisionnement pour le secteur agroalimentaire.

Par quels moyens la Chine peutelle faire face à sa dépendance alimentaire ?

T. P. - Le gouvernement subventionne fortement les prix qui sont supérieurs aux cours mondiaux. C’est un des problèmes de la filière laitière chinoise à côté des questions sanitaires. La Chine soutient son agriculture, notamment pour garantir le revenu de ses agriculteurs. Mais elle rencontre beaucoup de difficultés du fait de la trop petite taille des exploitations, du stress hydrique, du manque d’encadrement qualifié, etc. C’est pourquoi, depuis quelques années, la Chine a fait le choix de sécuriser ses approvisionnements extérieurs : importations massives, partenariats commerciaux, investissements à l’étranger, achats d’exploitations agricoles, investissements fonciers dans des pays étrangers.

Comment ces différentes stratégies vont-elles évoluer dans les années qui viennent ?

T. P. - Le foncier disponible est de 0,09 hectare par habitant en Chine contre 0,24 hectare en moyenne dans le monde. En achetant des terres en Afrique et en y développant la production locale, la Chine vise surtout à sécuriser ses relations diplomatiques avec les pays de ce continent. D’autre part, avec un objectif de 70 % de personnes vivant dans les villes en 2050 contre 50 % aujourd’hui, l’urbanisation est appelée à s’accroître alors que la recherche d’un développement plus durable va rendre encore plus cruciale la question des approvisionnements alimentaires. Donc la Chine va continuer à importer du soja, du blé, du maïs, de la viande porcine et bovine, et des produits laitiers. Et en cas de baisse de l’offre mondiale pour des raisons climatiques ou autres, cette forte demande chinoise risque de faire flamber les cours mondiaux au détriment des autres pays importateurs.

Comment peut-elle sécuriser ses ressources ?

T. P. - La Chine cherche à sécuriser, voire contrôler, la diversité de ses sources d’approvisionnement. Elle a tiré profit de la crise grecque pour investir dans le port du Pirée qui lui donne une ouverture sur l’Europe, et de la baisse des cours pour investir dans des exploitations laitières en Nouvelle-Zélande et en Australie. Elle conquiert ainsi progressivement un espace vital pour assurer ses approvisionnements alimentaires. Cette stratégie de contrôle va de l’amont à l’aval des filières. À cet égard, outre le port du Pirée, les achats de Smithfield dans la transformation de viande de porc, de Syngenta dans l’agrochimie, sont édifiants. Pour assurer sa sécurité alimentaire, la Chine pose ses pions un peu partout dans le monde risquant d’accroitre l’instabilité mondiale. Les États-Unis ont récemment signé un accord transpacifique, duquel aujourd’hui ils se sont retirés, ou encore un accord transatlantique pour l’encercler économiquement. De son côté, la Chine s’est déjà rapprochée de la Russie pour l’ouverture des nouvelles routes de la soie. À terme, on peut se demander ce que fera l’Inde. Ainsi, la question agricole contribue à l’émergence d’un nouvel ordre mondial face aux USA et à l’Union européenne.

 

(1) Ouvrage paru aux Presses universitaires de Rennes.

IDENTITÉ

Thierry Pouch est docteur en sciences économiques, responsable du service des études économiques et de la prospective à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Il est chercheur associé au laboratoire Regards de l’université de Reims- Champagne-Ardenne. Il enseigne à l’université de Paris-Sud ainsi qu’à l’université de Paris 1-Panthéon- Sorbonne. Il est également membre correspondant de l’Académie d’agriculture.

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