Il aura fallu plus de deux ans et demi pour que la Commission européenne donne une définition du terme « nanomatériau » sous forme d’une recommandation, le 18 octobre dernier. De profondes divergences entre les parties prenantes ont retardé l’adoption de ce texte, à l’instar des négociations sur la réforme du règlement européen relatif aux « nouveaux aliments », conduites en parallèle.
Les nanomatériaux représentent un domaine de la recherche scientifique et technique en pleine expansion et constituent un enjeu important pour la compétitivité européenne. Depuis quelques années, ils ne sont plus confinés aux laboratoires de recherche, mais intégrés dans de nombreux procédés industriels et déjà utilisés dans des produits de consommation courante, des cosmétiques aux peintures et vêtements. À ce jour, les applications commerciales des nanotechnologies dans l’alimentation restent marginales, mais certains développements concernent déjà des compléments alimentaires (vitamines ou oméga 3 nanoencapsulés) ou des aliments fonctionnels (huile de colza enrichie aux phytostérols nanoencapsulés). C’est avant tout dans le domaine des emballages alimentaires que se concentrent la plupart des applications déjà transposées à l’échelle commerciale.
Toutefois, des incertitudes demeurent quant aux risques potentiels que pourraient avoir les nanomatériaux sur la santé, et tous les acteurs européens s’accordent quant à la nécessité d’instaurer des règles de sécurité chimique et d’autorisation de mise sur le marché appropriées. Très logiquement, la Commission européenne a envisagé d’intégrer la question des nanotechnologies dans le champ du règlement européen régissant les nouveaux aliments et a présenté, en ce sens, un projet modifiant ce règlement, en janvier 2008. Mais, les nanotechnologies commencent à faire débat et l’idée d’une législation « sur mesure » s’impose.
Une référence légale commune
Dans une résolution du 24 avril 2009 sur les aspects réglementaires des nanomatériaux, le Parlement européen a donc préconisé, avant toute chose, l’introduction d’une définition scientifique des nanomatériaux dans la législation européenne. C’est chose faite depuis le 18 octobre. Le nanomatériau est désormais défini comme « un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm ». Cette définition, basée sur les avis du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) et du Centre commun de recherche (CCR), se fonde exclusivement sur les dimensions de ces particules, plutôt que sur des considérations de risque ou de danger, et englobe ainsi les nanomatériaux naturels, y compris ceux formés accidentellement, et les nanomatériaux manufacturés.
On est loin d’un encadrement règlementaire contraignant, mais l’ambition – à ce stade modeste – de la Commission européenne est ainsi de fournir une référence légale commune, tant pour l’adoption de textes nouveaux que pour la mise en œuvre de textes existants, alors que jusqu’à présent, les nanomatériaux faisaient tout au mieux l’objet d’une série d’actes législatifs nationaux fondés sur des définitions élaborées au cas par cas.
Cette définition vient à point nommé, puisque le nouveau règlement relatif à l’information des consommateurs, adopté le 29 septembre dernier, rend obligatoire l’étiquetage des ingrédients nano présents dans les denrées alimentaires, mais encore fallait-il pouvoir les identifier…