La cobotique, une solution pour lutter contre les TMS

> Jean François Guernic, président du cabinet d'ingénierie en santé et sécurité au travail Premanis.
Les Marchés Hebdo : Pourquoi l'industrie agroalimentaire a-t-elle tardé à se saisir du dossier TMS ?
Jean François Guernic : L'agroalimentaire reste une jeune industrie, comparativement à d'autres secteurs industriels. Le fait que les industries agroalimentaires (IAA) concentrent le quart des cas de TMS de toute l'industrie française, alors qu'elles représentent 15 % de l'emploi industriel manufacturé, interpelle. Le problème, c'est qu'elles concentrent un certain nombre de facteurs de risque de pénibilité au travail : le froid, l'humidité, le bruit, la manutention de charges lourdes, etc. Le nombre d'entreprises engagées dans la lutte contre les TMS a nettement progressé dans les années 2000. Elles ont conscience qu'il leur faut améliorer le bien-être au travail, ne serait-ce que pour faire face au manque d'intérêt des jeunes pour l'industrie agroalimentaire. En parallèle, la Caisse nationale d'assurance maladie et ses relais en régions, les Carsat, ont initié en 2012 l'opération TMS-Pro pour inciter les entreprises à prendre en compte la notion de bien-être au travail.
LMH : Quelles voies suivent les entreprises pour améliorer le bien-être au travail ?
J. F. G. : En la matière, il est important de distinguer l'effort au travail de la souffrance au travail. Pour supprimer la souffrance au travail, les entreprises ont considérablement réduit les tâches de manutention de pièces lourdes sur les lignes et au conditionnement. En amont, chaque secteur de l'agroalimentaire a travaillé sur ses spécificités en identifiant les postes entraînant des postures pénibles, des opérations de manutention et des gestes répétitifs. La gestion des risques a été évaluée, ainsi que les risques psychosociaux.
LMH : On parle de plus en plus de cobotique dans l'industrie. Où en est-on dans l'agroalimentaire ?
J. F. G. : Les cobots sont des robots d'assistance à la personne, pas des robots qui peuvent, eux, se substituer aux humains. Les co-bots soulagent l'effort de l'opérateur, selon la prise manuelle exercée par l'opérateur. Ils sont nés dans le domaine militaire avec les exosquelettes. Ils constituent désormais dans l'industrie toute une panoplie de solutions adaptables à toute situation de pénibilité au travail. Ils s'intègrent aisément dans un système de production, et sont d'un coût inférieur aux robots. Néanmoins, tout n'est pas cobotisable dans une entreprise. Ce qui nécessite de continuer à améliorer l'organisation du travail dans les usines. La notion de bien-être au travail n'a que des avantages. Elle rend les opérateurs plus performants, et participe au maintien du savoir-faire dans les entreprises. En Europe, on évoque la possibilité de développer un référentiel spécifique au bien-être au travail, distinct de la responsabilité sociétale des entreprises (Iso 26000) qui parle, elle, de préservation du capital humain. Ce sont surtout les entreprises qui ont fait des efforts en matière de bien-être au travail qui cherchent un moyen de le faire savoir. Cela pourrait avoir un effet sur les autres entreprises.
La Sécurité sociale estime à 1 milliard d'euros par an le coût lié aux troubles musculo-sque-lettiques (TMS). Les TMS coûtent également aux entreprises. La Carsat-Bretagne estime que la prise en charge d'un arrêt consécutif à un TMS coûte en moyenne 25 000 euros à l'entreprise, sans compter les indemnités journalières. Dans certaines entreprises qui affichent un taux d'absentéisme de 10 à 20 %, les TMS peuvent en plus désorganiser la production et générer des coûts supplémentaires. Le secteur de la viande pourrait faire l'objet dans les prochaines semaines d'un contrat d'objectif intégrant les équipements de cobotique pour inciter les entreprises à améliorer la qualité de vie au travail de leurs salariés. Le contrat pourrait être signé d'ici à la mi-avril.