La bio veut éviter le tourbillon de la banalisation
« C’est difficile la bio !». En 2001, Jean-Claude Decouvelaere, a créé une restauration rapide bio près de la fac de Lille… après 26 années passées chez Danone. Il était un des témoins de l’assemblée de la Fnab les 22 et 23 mars à Lille.
La bio ne surfe plus sur la vague des crises ESB qui avaient dopé la consommation. Les convaincus de la première heure ont achevé leur conversion. Par contre, les nouveaux producteurs hésitent à se lancer au regard des risques. La Bio française rencontre un véritable paradoxe. « Chaque année, notre consommation augmente de 15 % et nos surfaces diminuent de 20 000 ha ! », souligne Claude Gruffat, le président de Biocoop. Comment assurer la relance de la production sans ouvrir la porte aux produits étrangers ?
Des pays européens se sont taillé une réputation dans le domaine, laissant la France en queue de peloton des pays européens. « Le problème n° 1, c’est le prix», poursuit J-C Decouvelaere : celui de nos matières premières et transformées. Il en est de même des coûts de main-d’œuvre. Des éléments parmi d’autres, qui placent la bio à la croisée des chemins. Car les sujets d’inquiétude sont là. D’abord, la mauvaise traduction du traité de Lisbonne. « Les Bio refusent catégoriquement tout assouplissement de la réglementation européenne qui permettrait un développement du marché », explique François Thiéry, ancien président.
Simplification rime avec banalisation du logo AB !
La Fnab, comme tous les producteurs et transformateurs bio européens, rejette donc les propositions de la Commission de janvier 2006, applicables dès 2009.
Autre grand souci : les OGM. « Ignorer la coexistence pourrait nous être fatal », reconnaît la Fnab en indiquant cependant vouloir peser sur le débat : « Car cette loi, nous n’en voulons pas ! », ont expliqué à Lille les adhérents. C’est sans compter également la réforme de l’Inao transformé en nouvel Institut de la Qualité. « Nous voulons que l’agriculture biologique puisse conserver ses organes de décision spécifiques », insiste François Thiery. Il ne s’agit pas que simplification rime avec banalisation du logo AB !
La nouvelle Pac ne conforte pas la production bio, peu relayée par une politique nationale peu volontariste. Excepté les aides à la conversion, il n’y a aucune aide « dans notre pays où les conventionnels veulent récupérer le maximum d’aides du deuxième pilier », note Benoît Canis. Henri Thépaut, président de la Fnab soulignait néanmoins « les bonnes dispositions du ministère et de certaines régions comme celle de Poitou-Charentes ». En poursuivant : « reste à transformer l’essai dans toutes les régions où il s’agit de trouver toute sa place dans les structures de développement ! ».
Les Bios seront donc vigilants lors de la signature des prochains contrats de progrès. Ils sont déçus de l’accompagnement des chambres d’agriculture et souhaitent dorénavant émarger aux ex-aides Anda. « Les agriculteurs bio ont vocation à y prétendre », lui répondra Philippe Mérillon, représentant le ministère en annonçant « que ce dernier encouragerait de façon prioritaire le soutien aux investissements».
Pourtant, avec l’évolution des mentalités, les pistes de progrès existent. La Fnab a exprimé sa volonté de s’appuyer sur des partenaires choisis : rapprochement avec la RHD, le réseau Biocoop ou celui d’Artisans du Monde, incitations à la création de magasins bio à la ferme… Car ce qui fait cruellement défaut dans cette filière outre le manque de producteurs, c’est bien l’organisation des circuits de distribution et le déficit de synergies entre opérateurs bio pour faire enfin « de la bio une alternative crédible ».