La bio-sécurité fait mentir la volaille « plein air »
Conciliants jusqu'alors, les producteurs de volailles élevées en plein air mettent le ministre de l'Agriculture devant sa responsabilité de prolonger jusqu'au 31 mai le dispositif de bio-sécurité anti-influenza aviaire sans que les labels en soient affectés.
Ce nouveau délai pose problème dans les départements « à risque particulier » où les volailles sont enfermées depuis le 25 octobre. Pour des poulets élevés au moins jusqu'à leur 81e jour, il signifie qu'une bande démarrée entre octobre et février en Ille-et-Vilaine ou en Vendée se rendra à l'abattoir sans avoir jamais profité du parcours. Les éleveurs avaient trouvé des accommodements pour le mois de décembre. Ils doivent maintenant gérer la disposition à long terme avec des volailles conçues pour sortir. « Les gens râlent beaucoup» a constaté dernièrement le directeur de la CFA (Confédération française de l'aviculture) à une réunion de la section avicole de Seine-Maritime. Aux éleveurs de ce département, l'un des 26 «à risque particulier», s'étaient joints des aviculteurs d’autres départements voulant exprimer leur malaise. « On parle de distorsion de concurrence avec des départements non concernés, rapporte le représentant avicole. Il y a un soupçon sur le terrain à l'égard des filières fermières qui peuvent faire valoir auprès des acheteurs leur maintien du plein air».
« Restriction temporaire »
Le désappointement de la CFA égale celui de la Coordination rurale qui voit de l'absurdité dans la décision du ministère. Les oiseaux migrateurs étant passés, « le confinement des volailles imposé aux éleveurs, ainsi que l'interdiction des marchés de volailles vivantes, sont deux mesures parfaitement inutiles face à un risque devenu nul», dénonce la CR dans un communiqué de presse. Sans retrait de ces mesures, le syndicat demandera réparation à l'État.
Les groupements de qualité des volailles fermières et biologiques ont aussi critiqué le maintien de l'enfermement parce que sans fondement scientifique. Le Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf) a écrit au ministère de l'Agriculture et au président de la République. Son courrier rappelle la situation très difficile des labels rouge et biologique, et leur besoin de préserver leurs modes d'élevage. Le Synalaf prend note de la déclaration du ministre en faveur d'une mise en place « pragmatique et mesurée » des dispositions.
Ainsi, toute adaptation nécessaire aux contraintes locales devrait se piloter au niveau des « comités de suivi » départementaux, notamment en ce qui concerne le confinement et les rassemblements de volailles, précise le ministère. Un Conseil d'administration du Synalaf doit justement faire le point des contraintes et adaptations possibles. Il s'agit de mettre à profit l'article 3 de l'arrêté du 25 octobre qui exonère les élevages en plein air d'enfermement quand cela n'est pas praticable.
Quant aux départements où le plein air est maintenu, le Synalaf assure de leur solidarité. D'ailleurs, argumente-t-on, la FCD (distribution) ne constate aucune différence de comportement des consommateurs selon l'origine des poulets.
Reste la question du maintien de la mention valorisante « élevé en plein air » sur les étiquettes. Le gouvernement français maintient ses dérogations. Cela se jouera plutôt à Bruxelles. Il est question d'introduire dans la norme communautaire des volailles de chair sous signe de qualité une « restriction temporaire » à la demande de l'autorité sanitaire du pays membre, comme c'est le cas pour les œufs. Mais la Commission propose une durée maximale au « temporaire », initiative assez mal venue pour la France.