La base des bouchers reprend la parole
Un certain malaise, une certaine nervosité semblent gagner les bouchers artisans dont la confédération CFBCT tenait son assemblée générale lundi dernier à Divonne (Ain).
Le président récemment élu Alain Duplat, en assumant son rôle avec une rondeur qui tranche avec la rigueur austère de ses deux prédécesseurs, a comme libéré la parole au sein de l’organisation. Les délégués départementaux de base se sont largement exprimés au cours de cette assemblée, avec une vivacité de ton inhabituelle, laissant apparaître des attentes et des urgences. Celles-ci ne sont peut-être pas nouvelles pour la profession, mais elles sont désormais posées en termes plus combatifs et moins consensuels.
On a ainsi évoqué des dossiers récurrents, comme ceux de la taxe d’équarrissage, de la communication, des retraites, du recrutement des jeunes etc. Depuis plusieurs années que ces questions pèsent sur la CFBCT, elle a eu le temps de monter des dossiers juridiques et de pousser, habilement d’ailleurs, ses pions dans les ouvertures faites par les pouvoirs publics, l’Union européenne ou les interprofessions, et elle a hissé son ex-président, Pierre Perrin, à la tête de l’UPA qui constitue l’une des grandes organisations patronales interlocutrices des pouvoirs publics.
Inquiétude sur la loi de développement rural
D’où vient donc le malaise néanmoins perceptible ? De la fragilité de cette filière des produits carnés, où les chutes de consommation viennent périodiquement contrarier les efforts entrepris pour la dynamiser ; des coûts additionnels qui ne cessent de s’empiler les uns sur les autres depuis la crise de l’ESB ; du sentiment que le secteur industriel, abattage et équarrissage notamment, cherchent à faire supporter aux bouchers un fardeau qu’il ne ressent pas comme étant le leur ; du fait que les éleveurs font avancer le rouleau compresseur des ventes à la ferme, avec des parts de marché encore modestes au plan national, mais qui s’avèrent fortement déstabilisatrices pour les artisans subissant localement cette concurrence ; de la perspective d’une loi sur le développement rural dont les bouchers craignent qu’elle entérine ce genre de pratiques et qu’elle continue à donner à l’agriculture des droits disproportionnés ; enfin, pour arrêter une énumération qui pourrait se poursuivre, que l’Etat cherche à reconquérir les espaces où la profession s’administre en partie elle-même, comme les caisses de retraite ou l’enseignement professionnel.
L’assemblée de Divonne a montré pourtant que dans la profession bouchère le militantisme syndical n’avait rien perdu de sa virulence, que les présidents et délégués départementaux enregistraient un rajeunissement et une féminisation accélérés. Et pour un observateur déjà ancien de ces réunions, il est évident que le foisonnement (presque trop...) des commissions de travail, et la spontanéité retrouvée des prises de paroles semblent montrer que cette profession est en train de s’inventer une pratique de démocratie participative. Si l’équipe dirigeante parvient à canaliser cette énergie, ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour la profession, ni pour la filière.