Jeanjean-Laroche : un mariage haut de gamme
Assister à l’union de deux entreprises familiales dans le secteur du vin reste un événement relativement isolé. Dans un contexte de crise, de tels rapprochements semblent pourtant nécessaires. Il pourrait y en avoir d’autres.
«Deux familles qui s’unissent, c’est très rare dans le monde du vin. Souvent les gens préfèrent encore aller tout seuls dans le mur », a commenté Antoine Leccia, président du directoire de Jeanjean, le 30 septembre lors de la présentation du projet de fusion avec Laroche. Le 22 septembre, les deux entreprises familiales ont signé un protocole d’accord visant à aboutir à leur fusion totale par voie d’absorption de Laroche par Jeanjean d’ici janvier 2010. L’ensemble devrait comprendre 1 450 ha de vignobles et peser entre 195 et 200 millions d’euros (M€) de chiffre d’affaires. « On discute de ce rapprochement depuis bien avant la crise. Je n’ai pas de descendant direct pour assurer ma succession. Et la qualité du management de Jeanjean a réussi à me convaincre », a témoigné de son côté Michel Laroche. En 40 ans, ce Chablisien a réussi à se constituer 250 ha de vignoble – 100 ha à Chablis, 45 ha en Languedoc, 76 ha au Chili et 70 ha en Afrique du Sud – et à développer une marque haut de gamme (Laroche), présente dans des réseaux de distribution très sélectifs. Honnête, le chef d’entreprise ne cache pas néanmoins qu’il vient de vivre les pires mois de sa carrière : « J’ai perdu 5,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, en six mois. En février, mes ventes étaient en recul de 52 % par rapport à 2008 ». Une situation qui a précipité l’avenir de la société.
Une grande complémentarité
Jeanjean (174 M€ de chiffre d’affaire en 2008) était en bonne position pour reprendre l’affaire. Grâce à son portefeuille de vins composé à 54 % d’AOC et à son réseau de distribution équilibré, le groupe résiste bien à la crise. Sur le premier semestre 2009, Jeanjean n’enregistre que 3,8 % de baisse de chiffre d’affaires quand le marché du vin français recule en moyenne de 10 %. Mieux, le producteur-négociant réussit à améliorer son résultat opérationnel de 19 % (à 1,9 M€). En acquérant Laroche, Jeanjean voit l’opportunité d’accélérer la croissance des ventes et de la rentabilité, grâce à une grande complémentarité des deux groupes. L’opération lui permet d’élargir son offre en vins blancs (avec les chablis) et sa gamme de produits (de 1 à 1000 euros la bouteille). Il y voit aussi l’opportunité de pénétrer des réseaux très difficiles d’accès comme le duty-free. Après fusion, le groupe devrait atteindre la taille critique de 90 M€ à l’export et ainsi lui permettre de renforcer sa présence à l’étranger, en ouvrant des bureaux sur place par exemple. Des synergies immédiates sont également attendues en matière de coûts. L’optimisation des achats hors vins et la rationalisation des sites de production (en Languedoc notamment) devraient permettre de générer des économies de 1,5 M€ par an. Un plan de cession d’actifs, comprenant le centre de conférence en Afrique du Sud, Avenir, et éventuellement quelques vignes en Languedoc, sera établi d’ici six mois. Ce plan pourrait représenter 5 M€ d’ici 2 ans. « On ne va pas céder les actifs d’Afrique du Sud et du Chili. Notre première réaction est de nous dire que c’est intéressant d’être dans une région où l’on parle dollars et non euro », précise Antoine Luccia.