Jean-Paul Simier
Les Marchés Hebdo : Existe-t-il une réelle opportunité pour la France de produire des algues ?
Jean-Paul Simier : La France, tout particulièrement la Bretagne, a un potentiel incontestable pour la production d’algues. Dans un contexte de tension croissante sur les ressources alimentaires et les terres cultivables, il est logique d’envisager d’exploiter, de façon raisonnable, les ressources maritimes. La France produit déjà presque 70 000 t d’algues par an, dont 60 000 t de goémon ramassé en Bretagne pour l’industrie des alginates, environ 6 000 t d’algues alimentaires et … pas plus de 60 t d’algues cultivées. Mais nous en importons au moins 100 000 t, pour produire par exemple des produits bretons à base d’algues...
LMH : Quels types d’algues produire ?
J.-P. S. : Nous nous sommes intéressés à la production de macroalgues. Il en existe quelque 750 espèces naturelles en Bretagne dont 6 ou 7 d’intérêt immédiat dans l’agroalimentaire et les cosmétiques. Nous privilégions les algues autochtones pour éviter tout risque d’espèces invasives. Il nous paraît raisonnable d’atteindre une production de 15 000 t d’algues fraîches à 10 ans, sur un espace de 1 000 hectares. La Bretagne possède 10 000 ha de concessions conchylicoles sur l’espace public maritime dont 3 000 non exploités en raison de la crise de l’huître. C’est de cet espace que proviendraient les 1 000 hectares en question.
LMH : Quelle organisation économique envisagez-vous ?
J.-P. S. : L’objectif de Bretagne Développement Innovation est de privilégier une logique de filière pour passer le cap du simple ramassage qui peut devenir trop intensif pour le milieu naturel. L’idée de base est d’exploiter le milieu de façon raisonnée tout en réduisant les importations. Il ne s’agit pas de financer de toutes pièces une filière car les investissements doivent venir des entreprises, mais de soutenir la mise en place d’une vraie filière en mobilisant tous les acteurs, dont certains ont été des pionniers il y a 20 ans voire plus, mais aussi les gens du littoral voire de nouveaux acteurs locaux. Il n’est pas aberrant d’imaginer des opérateurs du monde du légume élargir leur gamme avec des légumes de mer par exemple.