Interview de Jean-Yves Reginster : « Les protéines du lactosérum sont favorables au muscle »
Après le calcium et l’ostéoporose, voici les protéines et la sarcopénie. Pour la prévenir, rien de mieux que les protéines du lait, selon Jean-Yves Reginster, co-président du Congrès mondial sur l’ostéoporose.
Comment définissez-vous la sarcopénie et quelles sont ses conséquences ?
Jean-Yves Reginster - La sarcopénie est une maladie qui touche le muscle, un tissu vivant qui se renouvelle en permanence. En avançant en âge, un déséquilibre normal s’installe entre la destruction et la construction du muscle, se traduisant par une perte demasse musculaire d’environ 30 % entre 50 et 80 ans. Lorsque cette « diminution est progressive, généralisée et accompagnée d’une diminution de la force musculaire susceptible d’entraîner une incapacité physique et une altération de la qualité de vie, voire de mort », on parle de sarcopénie. La prévalence de cette pathologie peut atteindr e29 % dans la population âgée.
Existe-t-il un lien entre sarcopénieet ostéoporose ?
J.-Y. R. - Bien que l’os et le muscle soient essentiels et complémentaires pour assurer la locomotion et l’autonomie, on les a longtemps considérés séparément. Depuis quelques années émerge le concept d’unité fonctionnelle « os/muscle ». Ainsi, la masse et la force musculaires ont un effet positif sur la masse et la résistance osseuses et la sarcopénie est un facteur de risque supplémentaire d’ostéoporose et de fracture.
Comment lutter contre lasarcopénie ?
J.-Y. R. - Les conséquences de la sarcopéniene sont pas inéluctables. L’idéal est de s’y prendre en préservant sa masse musculaire ou en limitant la perte le plus longtemps possible. Pour cela, il est recommandé de combiner activité physique - de préférence en charge et en résistance (3 fois 20 minutes par semaine) - et nutrition sur la base d’un apport protéique. Les spécialistes s’accordent surle fait que le besoin en protéines des seniors est supérieur aux recommandations actuelles : 1 g voire 1,2 g par kilo de poids par jour sont souhaitable s(contre 0,8 g/kg/j pour un adulte jeune), et plus encore en cas de pathologie associée. Les experts préconisent aussi, pour les femmes de plus de 50 ans, la consommation d’au moin s20 à 25 grammes de protéines de haute qualité nutritionnelle à chaque repas, en association avec une consommation régulière de calcium et vitamine D.
Qu’entendez-vous par protéinesde haute qualité nutritionnelles ?
J.-Y. R. - Les données récentes révèlent que les protéines ne sont pas équivalentes, sur la base de deux critères : la composition en acides aminés et la vitesse de digestion. La compilation de neuf études récentes réalisées chez des sujets jeunes montre que les protéines du lait sont plus efficaces que les protéines du soja, par exemple, pour la synthèse de protéines musculaires ; notamment celles du lactosérum.
Qu’est-ce qui explique la bonnequalité nutritionnelle des protéineslaitières ?
J.-Y. R. - Les protéines laitières sont riches en leucines : 10 % pour le lait, 14 % pour le lactosérum contre 8 % pour la viande ou le soja par exemple (pourcentage de leucine dans 1 g de protéines selon la source alimentaire). Or la composition en acides aminés, et en particulier lateneur en leucine, a un effet plus stimulant que d’autres dans la synthèse des protéines qui constituent 20 % du muscle. Ensuite vient la notion de protéines rapides qui entraînent un pic précoce d’acides aminés dans le sang, très efficace pour induire la synthèse protéique. Le lait a l’avantage d’être un mélange de protéines lentes (les caséines) et rapides (celles dulactosérum).