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Inquiétudes alimentaires - Ouvrir le dialogue avec les consommateurs

Sous le titre volontairement provocateur « Tais-toi et mange », l'Observatoire Cniel des habitudes alimentaires a organisé une journée d'échanges pour reconstruire le pacte alimentaire et prôner l'écoute des consommateurs.

En ouvrant le colloque organisé par l'Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (Ocha) en partenariat avec Stratégie et communication collective, une association regroupant les interprofessions de l'agroalimentaire autour de la question de la communication, sous l'intitulé « Tais-toi et mange », Jean-Pierre Poulain, socio-anthropologue à l'université de Toulouse, l'a affirmé : « Il faut prendre au sérieux les inquiétudes alimentaires, répondre, argumenter, justifier, réformer, repenser, reformater le dialogue entre les acteurs de la filière. » Ajoutant même que « face à la montée des inquiétudes alimentaires, le pire danger serait de dire 'ne t'inquiète pas'».

CONSTRUIRE UNE RÉPONSE EXPERTE

Mais qui peut rassurer le consommateur ? Pour Bertrand Hervieu, sociologue, il faut se demander « comment construire une réponse experte alors que la question du conflit d'intérêt a pris beaucoup de place ». En effet, les avis des scientifiques sont de plus en depuis qu'ils ont été largement médiatisés.

« On a besoin d'une expertise scientifique forte », s'est exclamé Claude Fischler, sociologue au CNRS. « Et large » si l'on suit les propos de Muriel Figuié, sociologue au Cirad, qui insiste pour que soient pris en compte les aspects culturels. Claude Fischler compte sur le rôle des sciences, y compris humaines, pour « dire ce qui est faux sans être normatif et avoir une interrogation critique ». Enfin, face aux risques de conflits d'intérêts, il vaut mieux afficher les intérêts des uns et des autres. Le Conseil national de l'alimentation (CNA), sorte de parlement de l'alimentation, a rendu 75 avis publics en trente ans. Cette instance indépendante, est consultée par les ministres chargés de l'Agriculture, de la Santé et de la Consommation sur la définition de la politique de l'alimentation. Elle émet des avis à partir des réalités du monde professionnel et des attentes des consommateurs. Vis-à-vis des avis des agences scientifiques telles que l'Anses, elle constitue un deuxième cercle de préconisations capable d'intégrer les préoccupations des filières et de la société civile.

FAIRE AVEC DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS

La montée des inquiétudes s'accompagne d'une forte individualisation des comporte ments. Prenant l'exemple de la vaccination en France, dans un pays particulièrement inquiet sur cette question, Jocelyn Raude, sociologue, a souligné notamment le rôle du déficit de culture scientifique de nos compatriotes, de leur difficulté à appréhender les chiffres et de la diminution du nombre de journalistes spécialisés capables d'expliquer. Pour l'anthropologue, Nicoletta Diasio, spécialiste du corps, de la santé et de la consommation, dans notre société, les régimes d'éviction renvoient à l'idée d'un corps vulnérable qui cherche à se protéger. L'intolérance, les allergies, les maladies auto-immunes sont autant d'expression des limites de soi et de la frontière entre intérieur et extérieur. Le corps, instrument de devenir et de transformation de soi sur la scène sociale, induit des comportements individuels avec une vision politique et morale. Au soupçon envers les organismes de représentation, l'individu répond en privilégiant le subjectif et en singularisant son corps.

BÂTIR UN PACTE SOCIAL ET INTERPROFESSIONNEL

« Mettons en place une communication apaisée », a demandé Philippe Kim-Blonbed, de l'Académie d'agriculture. « Remplaçons la cacophonie actuelle par la polyphonie en adoptant de nouvelles méthodes de communication informative », a renchéri Louis Orenga, directeur général d'Interfel et du CTIFL. Bruno Dufayet, éleveur, s'est déclaré pour sa part prêt à coconstruire l'élevage de demain en faisant un pacte avec la société. « Nous avons intérêt à montrer la réalité de nos élevages et à l'expliquer », a affirmé celui qui préside la commission Enjeux sociétaux de l'interprofession bétail et viandes Interbev.

Enfin, pour Louis Orenga, qui est aussi le président de Stratégies et communication collectives, « il appartient aux interprofessions d'engager le dialogue pour éviter la récupération des demandes sociétales par des organismes privés ».

VERS DE NOUVELLES RELATIONS DE CONFIANCE

« L'inquiétude est le terreau du soupçon », s'est exclamé Bertrand Hervieu dans sa conclusion, déplorant que les grands systèmes institutionnels aient perdu une part de leur légitimité. « Désormais, une parole invérifiée peut avoir autant de poids qu'une parole vérifiée », a également regretté le sociologue, soulignant la cacophonie « puisque chacun dispose, à travers la toile, d'un dispositif pour s'exprimer ». Plutôt que de restaurer la confiance, ce qui sous-entendrait un retour vers un âge d'or, Bertrand Hervieu propose d'inventer des nouvelles relations de confiance dans un monde où tout finit par se savoir. Et de conclure : « il faut pouvoir dire ce que l'on sait et écouter ce que l'on n'a pas envie d'entendre, à l'image du bien-être animal dont on parle depuis vingt ans et qui finit par advenir ».

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