« Il y a une dérive du travail clandestin »
LM : Constatez-vous une évolution des pratiques concernant l’emploi précaire dans le secteur de la viande ?
J. D. : On remarque une dérive, assez récente. Depuis deux ans, des opérateurs prestataires de services ont recours à de la main-d’œuvre étrangère entrée illégalement, en provenance de l’Union européenne et des pays tiers. Certains tâcherons travaillent huit heures le matin dans une entreprise, puis enchaînent huit heures dans une autre. Les primes versées ne sont pas fiscalisées. De telles pratiques concernent surtout le Grand Ouest. L’abattage-découpe d’animaux de boucherie est particulièrement touché. Dans ce secteur, les difficultés de recrutement sont les plus grandes. Les sociétés dégagent peu de marges et sont donc tentées de jouer sur l’intérim déguisé. Quand une opération de dégagement est menée en viande de porc, qu’il faut faire face à une pointe d’activité, une quinzaine ou une trentaine de tâcherons peuvent débarquer dans l’entreprise. Actuellement, le taux d’intérimaires est de 10 à 15 %. L’emploi précaire représente 18 à 20 % des effectifs. La situation est la même dans les petites et les grosses sociétés.
LM : Quelles actions allez-vous mener ?
J. D. : Un coup de pied dans la fourmilière a été donné. Il faut aller plus loin. Nous entamons un travail avec l’un des principaux prestataires de services. Celui-ci respecte une éthique : passage par les ambassades pour la main-d’œuvre étrangère, formation dans le pays d’origine, CDD de longue période, intégration dans l’habitat. Le but de la FGA-CFDT est d’aboutir à une charte de notation sociale. Tout le monde, dans la branche, doit suivre de bonnes règles. Les frais de déplacement, primes de matériel et de linge doivent être déclarés correctement. Des discussions seront menées avec le Sinavavia (organisation dépendant de la FNICGV), afin d’intégrer ces aspects dans la convention collective. En parallèle, notre syndicat mettra la pression sur les maires pour faire intervenir l’inspection du travail.
LM : Vous heurtez-vous à des résistances ?
J. D. : Les entreprises ont tendance à fermer les yeux sur le travail illégal. Je trouve inadmissible que le directeur de l’abattoir d’Aubret prétende ne pas avoir été au courant des pratiques illégales du Groupe international de désossage (GID). En contournant les règles sociales, ce genre de prestataires offre des services à moindre coût. Cela crée des distorsions de concurrence. Les salariés soutiennent ces méthodes, car ils en profitent sur leur feuille de paie. Nous voulons remettre de l’ordre avec le Sinavavia. Le changement à la présidence de la commission sociale est une opportunité à saisir.