« Il faut vite engager la réforme du système »
LM : Votre association regroupe aujourd’hui environ 200 vignerons particulièrement attachés à l’esprit de l’AOC Fondée en mars 2005 à Cour Cheverny, l’association « Sève, les amis de Joseph Capus » rassemble des viticulteurs plutôt haut de gamme et entend « fédérer les vignerons engagés dans des modes de culture et de vinification respectueux de l’environnement, aboutissant à des vins originaux et authentiques, représentatifs de leur terroir dans l’esprit originel de l’AOC ».. Comment envisagez-vous la suite des événements après le décès de René Renou dont vous étiez proches ?
Marc Parcé : Nous sommes très favorables au système d’appellation à double vitesse qui nous semble adapté aujourd’hui. Pour nous, une appellation est un système social, qui doit se caractériser d’abord par le collectif, ensuite par l’ancrage au terroir et enfin par le geste vigneron. L’appellation reste un bon système, à condition qu’on parvienne à le réformer. Les vignerons qui souhaitent pouvoir utiliser le goutte-à-goutte pour l’irrigation, les copeaux pour la vinification doivent pour le faire. Mais il faut également laisser aux autres, ceux qui veulent s’inscrire dans une démarche différente, la possibilité de s’exprimer.
LM : Vous plaidez donc pour une mise en œuvre rapide de la réforme…
Marc Parcé : Il faut que nous puissions vite aller vers ce système, avec des appellations régionales, de type IGP par exemple, et permettre aux producteurs d’aller vers le marché du vin de table si c’est une solution pour eux. Nous vivons aujourd’hui dans un marché qui ne ressemble plus à rien, avec des vins de table qui sont meilleurs que des vins de pays et où l’on trouve également des vins de pays qui sont meilleurs que des vins d’appellation. Comment voulez-vous que le consommateur s’y retrouve ? Les acheteurs internationaux ont bien compris qui savent aujourd’hui que l’appellation française ne tient plus la route.
LM : Il y a urgence selon vous ?
Marc Parcé : Nous avons triché pendant trop longtemps. Un exemple parmi d’autres si vous voulez mieux comprendre. Prenez le marché japonais : on l’a attrapé pendant 10 ans avec le Beaujolais nouveau, il ne faut pas s’étonner de rencontrer des problèmes aujourd’hui. Sur toutes ces questions, la Cnaoc (Confédération nationale des appellations d'origine contrôlée, Ndlr), semble se contenter de faire des procès et de se féliciter quand elle les gagne. Elle maintient une position très réactionnaire. Que les ventes soient en chute libre ne semble pas y gêner grand monde tant que les procès sont gagnés.
LM : Les appellations sont-elles selon vous toujours adaptées dans un marché mondial dominé par les marques ?
Marc Parcé : Bien entendu. Nous en voulons comme meilleure preuve le fait que les Californiens ou les Australiens se tournent aujourd’hui vers le système des appellations parce qu’ils ont épuisé tous les recours offerts par le système des marques. Une appellation est liée à une identité géographique, climatique, géologique et culturelle. Quoi de plus adapté pour se singulariser sur le marché dans un monde où tout tend vers l’uniformisation des produits ? Les appellations sont un système complémentaire. Le seul problème, c’est qu’en France, on a l’impression que tout est figé depuis 1935… Les vignerons devraient relire les textes de Joseph Capus (fondateur du système des AOC, Ndlr), il n’a jamais défini les appellations comme un système d’uniformisation.