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« Il faut que l’agroalimentaire breton se restructure »

Jean-Bernard Solliec, le directeur-général de Coopagri Bretagne, dresse pour Les Marchés un tableau sans concession de la situation agricole en Bretagne et appelle à une restructuration dans tous les secteurs des productions animales.

Les Marchés : L’aviculture bretonne continue-t-elle à souffrir de la crise de l’hiver dernier ?

Jean-Bernard Solliec : La crise dite de la grippe aviaire a été créée de toutes pièces par les politiques et les médias car, finalement, aucune épidémie n’a eu lieu sur notre territoire. Les aides ne sont qu’une maigre consolation puisqu’elles ne représentent pour les entreprises, pas plus de 5 % des dégâts dus à la crise : cessons d’en parler comme quelque chose d’énorme. Aujourd’hui, le poulet retrouve ses couleurs sur le marché national, mais la dinde souffre toujours. Le problème de fond est qu’elle n’est plus un produit de consommation, mais un minerai pour la transformation et que la France sur ce point n’est pas taillée pour la compétition internationale.

Le poulet résiste mieux car les Brésiliens n’attaquent pas le marché européen du frais avec leurs poulets, l’offre française couvrant bien le marché avec toute sa diversité et sa qualité. Dans tous les cas, si le poulet est revenu sur le marché national à la situation d’avant la crise, il n’y a pas eu de compensation des pertes subies sur le premier semestre et l’exportation semble durablement touchée. On peut s’attendre à des fermetures d’élevages non seulement aujourd’hui mais dans les années à venir. Les éleveurs en dinde souffrent beaucoup de la prolongation des durées de vide sanitaire et des enlèvements retardés : ils sortent des dindes plus lourdes avec plus de mortalité ce qui entache d'autant leurs résultats.

Il y a des outils industriels à fermer, tant en Bretagne qu’en Pays de la Loire, surtout que les outils spécialisés en dinde ne tournent qu’à 50 % de leurs capacités. Chez Coopagri, nous avons déjà ajusté notre production dans l'abattoir du Faouët en passant dès fin 2005 d’un travail en 2X8 à 1X8. Je ne sais pas comment font les autres. Chacun attend de savoir qui va cesser, certains opérateurs se retirant déjà dans le Nord par exemple. En matière avicole, je pense que la restructuration des capacités de production se fera uniquement par des fermetures.

Les Marchés : Finalement, tous les secteurs des productions animales sont concernés ?

JBS : Aujourd’hui, l’agroalimentaire breton, c’est-à-dire celui qui est directement dans le prolongement de la production agricole, va obligatoirement devoir se restructurer, compte tenu de l’évolution du nombre d’éleveurs et des volumes produits. Beaucoup de discussions sont en cours, mais elles prennent longtemps car aucun opérateur n’est à proprement parlé exsangue. Dans tous les cas, que ce soit en porc, en lait voire en volaille, il y a besoin de regroupements. Même en alimentation animale pour laquelle la Bretagne a au moins une usine de trop voire plus. Pour moi, ceux qui n’ont pas de part de marché directe via la transformation ont vocation à disparaître.

Les Marchés : Est-il possible de relancer certaines innovations, par exemple sur l’axe santé du consommateur dans le domaine laitier ?

JBS : L’agroalimentaire ne peut pas résoudre tous les problèmes de la société. Si la volonté politique réelle est d’améliorer l’équilibre nutritionnel du consommateur, il faut démarrer par l’éducation de base de tous ceux qui gèrent les assiettes, les collectivités comme les familles. Les oméga trois existent par exemple naturellement dans les graines oléagineuses, pourquoi fournir des produits compliqués quand il faut surtout apprendre à équilibrer ses apports ? Développer du lait aux oméga trois, c’est imposer une augmentation du coût, ne serait-ce que par l’obligation d’une collecte séparée, alors que le consommateur n’est pas prêt à payer des avantages nutritionnels que j’estime essentiellement médiatiques. Par contre, je reste persuadé qu’il reste des choses intelligentes à faire sur l’alimentation des vaches laitières. Il faut éviter toutes les dérives et se demander pourquoi on utilise par exemple de la soude ! Une bonne alimentation exclusivement végétale et minérale reste l’idéal. Imposer des produits à base de lin aux éleveurs pourrait surtout servir les intérêts de quelques entreprises faisant du lobbying alors que le bénéfice pour le consommateur paraît bien aléatoire.

Les Marchés : Alors existe-t-il encore un moyen pour les productions animales de sortir de la spirale des crises ?

JBS : Il est sûr que les marchés du végétal vont plutôt être favorables dans les années à venir. Les céréales et les oléoprotéagineux ont notamment une double vocation, nutritionnelle et énergétique par les biocarburants. Ces nouveaux débouchés vont certainement tirer les prix vers le haut et générer des coproduits intéressants pour la nutrition animale. Ces derniers devraient permettre de comprimer le prix des rations des animaux. Ils redonneront donc des arguments économiques à l’industrie de l’alimentation animale qui peut proposer des utilisations plus sophistiquées des tourteaux de colza, des corn distiller et corn gluten feed.

Toute augmentation du prix des céréales implique forcément le retour des produits de substitution des céréales (PSC). Les biocarburants vont donc avoir un impact sur l’utilisation des matières premières en alimentation animale et modifier en sa faveur l’équilibre entre aliment industriel et fabrication à la ferme. Dans ce cadre, les OGM deviennent incontournables, n’en déplaisent aux bien nourris des banlieues chics.

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