IGP : les rillettes de Tours devancées par celles du Mans
Après des années de travail sur la demande d’une indication géographique protégée pour les rillettes du Mans, les artisans et professionnels locaux engagés dans la démarche ont eu la satisfaction de voir leur cahier des charges IGP approuvé par l’Inao puis homologué officiellement par le ministère de l’Agriculture dans un arrêté paru au Journal officiel le 13 octobre dernier. Le texte interdit l’emploi de l’IGP « Rillettes du Mans » sur l’étiquetage de rillettes ne correspondant pas au cahier des charges et de produits « qui leur sont comparables par nature ».
Mais les promoteurs de l’IGP ne crient pas pour autant victoire : d’une part parce que l’IGP (signe de qualité européen) « Rillettes du Mans » n’est pas encore reconnue par Bruxelles, et ne le sera pas avant plusieurs années, et d’autre part parce que l’arrêté permet pendant une période d’adaptation de cinq ans l’utilisation de la dénomination « Rillettes du Mans » à quatre industriels situés hors de la Sarthe. Or on estime aujourd’hui à environ 20 % le volume de rillettes se prévalant de la dénomination « rillettes du Mans » produites en réalité en dehors de la Sarthe et souvent commercialisées en grande distribution. Les enjeux économiques sont donc lourds et même les professionnels des « véritables » rillettes du Mans qui travaillent à leur reconnaissance depuis des années se refusent à communiquer sur l’IGP tant le dossier leur paraît « sensible et politique ».
L’arrêté sur l’IGP « Rillettes du Mans » permet l’utilisation de l’IGP pendant cinq ans à des industriels situés notamment en Indre-et-Loire, département où pourtant une démarche de demande de l’IGP « Rillettes de Tours » est engagée depuis 13 ans. L’an passé, une délégation de l’Inao s’était rendue sur place mais à ce jour « le dossier est en stand-by avec la réforme de l’Inao et de la Commission nationale des labels et certifications », soupire Jean-Michel Aumond, président de l’association d’éleveurs Porc de Touraine. Charcutiers et éleveurs se sont rapprochés depuis 2004 afin de défendre ensemble une IGP pour les rillettes de Tours, dont les volumes sont très inférieurs aux rillettes du Mans (70 tonnes environ par an contre plus de 10 000) et dont la production est moins industrialisée.
Une longue attente
« La recette des rillettes de Tours est restée artisanale avec un petit rendement (70 % contre 90/95 % pour les rillettes du Mans). La cuisson en marmite se fait à découvert, sans battage pour conserver les fibres, et produit des rillettes peu tartinables, sans conservateurs, à la couleur brune typique », explique Pascal Berhault, de la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Du côté de la Touraine, on considère les rillettes du Mans plus grasses et moins parfumées que leurs cousines tourangelles. Mais, au contraire de leurs homologues du Mans qui ont franchi une étape importante avec l’homologation de leur cahier des charges, les professionnels qui militent pour l’IGP « Rillettes de Tours » ne voient pas encore de perspective d’aboutissement de leur demande auprès de l’Inao et encore moins de l’Union européenne.
« L’obtention d’une IGP en France est très compliquée en raison de la centralisation et de la lenteur de l’administration française. Et l’enregistrement de l’IGP en France ne rend pas automatique l’enregistrement au niveau européen », indique Caroline Didery, du Sylaporc, syndicat national des labels du porc.
En France, seules trois IGP charcutières sont actuellement reconnues aux niveaux français et européen (jambon de Bayonne, boudin blanc de Rethel et jambon sec des Ardennes). Outre les rillettes du Mans et celles de Tours, sept autres spécialités de charcuterie ont demandé leur reconnaissance en IGP.