H5N1 : le risque grandit pour l’Europe
L’influenza aviaire pourrait avoir largement circulé dans le nord du Nigeria entre le 10 janvier, date des premières observations d’une mortalité anormale et la confirmation par l’OIE mercredi d’un type viral H5N1. Si tel était le cas, une partie de l’élevage avicole de ce pays, gros consommateur de viande, serait infectée, suppose Emmanuel Camus, qui dirige au Cirad le département de l’élevage et de la médecine vétérinaire. Hier, un responsable agricole nigérian confirmait cette crainte en témoignant d’une progression « à toute vitesse » de la grippe aviaire à travers les fermes de l’Etat de Kano, voisin de celui de Kaduna où un cheptel de 46 000 poules, oies et autruches a été préventivement détruit. « Nous avons aujourd’hui 20 000 bêtes infectées, ce qui porte le nombre de bêtes atteintes par la maladie à 80 000», s’est inquiété à l’AFP le secrétaire de l’Association des éleveurs de volailles de l’Etat de Kano, M. Auwalu Haruna.
Emmanuel Camus (du Cirad) redoute que l’épizootie ne se propage d’autant plus vite que les éleveurs vendent au plus vite leurs volailles vivantes sur les marchés. Ces derniers sont plus achalandés qu’à l’accoutumée. Il précise que le risque de transmission aux pays voisins par voie commerciale est limité par le statut importateur du Nigéria : les volailles vendues sur la longue frontière du pays sont destinées aux Nigérians.
En revanche, l’hypothèse d’une transmission par les oiseaux migrateurs se renforce et représente une menace pour l’Europe, dès lors que ceux-ci remonteront d’Afrique. Le premier foyer nigérian d’influenza aviaire est situé près d’un marais qui héberge une forte concentration d’oiseaux sauvages. Or, le virus identifié au laboratoire de référence de Padoue présente les mêmes caractéristiques génétiques que la souche turque, elle-même proche de celle du lac chinois de Qing Hai, foyer de l’épizootie. Des migrateurs pourraient donc transporter ce virus sur des longs parcours. De plus, selon un ornithologue du Cirad, la population aviaire du marécage nigérian est globalement la même que celle du lac Tchad, à 500 km de là. Et certaines des espèces qui la constituent sont susceptibles de remonter en Europe.
Manque d’infrastructures
Il faut attendre entre 15 jours et un mois pour connaître les premiers résultats des prélèvements effectués par le Cirad sur les faunes sauvages au Mali, en Ethiopie et au Tchad. En effet, le laboratoire de Padoue est saturé par l’afflux d’échantillons venant du Sud et environ mois s’écoule entre le prélèvement et le test, déplore Emmanuel Camus. « Le cas du Nigeria va peut-être hâter les choses », souhaite-t-il.
Si l’influenza hautement pathogène s’installe en Afrique, elle risque d’y demeurer longtemps. Le continent manque globalement d’infrastructures de surveillance sanitaire. L’application de politiques d’éradication s’annonce difficile. « Quand il faudra procéder à des abattages dans les zones rurales, ce sera un sacré défi », note Phillip Muthoka, responsable du comité de lutte contre la grippe aviaire du Kenya, soulignant que « les gouvernements ne seront peut-être pas en mesure d’indemniser les éleveurs. »