Grenelle : les pesticides en ligne de mire
«C’était un pari absolument impossible mais grâce à vous et, à quelque chose qui nous dépasse et relève de l'essentiel, nous avons eu un débat adulte », a déclaré hier Jean-Louis Borloo, en présentant les conclusions des groupes de travail du Grenelle de l'environnement. Après 53 réunions, 1000 heures de débat et quelques prises de bec, un rapport de 1000 pages symboliquement représenté par une clé USB a été remis par le climatologue Jean Jouzel au ministre d'Etat. « J'ai l'avenir de la planète autour du cou », a plaisanté l'intéressé, rappelant néanmoins qu'à cette étape, il n'était pas question de décisions mais bien de propositions.
Avant la phase de consultation publique (en région du 5 au 19 octobre à travers des débats organisés dans 17 villes et sur www.legrenelle-environnement.fr du 28 septembre au 12 octobre), il est toutefois utile de signaler quelles propositions ont obtenu le consensus au sein des groupes.
50 molécules interdites
Sans surprise, sur les gros dossiers du nucléaire et des agrocarburants, le désaccord est resté entier entre les différentes parties prenantes. Sur les OGM, quelques points d'accord sont intervenus (notamment sur l'adoption d'une loi déclinant les principes du libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM), mais la question du moratoire préalable et des seuils divisent toujours écologistes et milieu agricole. Là où le consensus semble s'imposer en revanche c'est sur la réduction des pesticides et le développement de l'agriculture bio.
Quasiment tous les groupes de travail proposent d'interdire les substances les plus dangereuses et de réduire fortement l'usage des pesticides à moyen terme. Le groupe 4 présidé par Jean-Robert Pitte demande l'interdiction des substances les plus dangereuses d'ici 2 à 4 ans à mesure de la disponibilité de solutions alternatives (soit 50 molécules concernées). En parallèle, le groupe propose de mettre en place dès 2008 une démarche de certification environnementale (dont l'un des critères portera sur les intrants) qui devrait toucher 50% des exploitations d'ici 2012.
Dès 2008, des prescriptions environnementales pourraient intégrer les cahiers des charges des signes officiels de qualité. Le groupe propose aussi d'élargir l'étiquetage écologique aux produits agroalimentaires, avec l'objectif d'atteindre 10% de produits à haute valeur environnementale (hors bio) d'ici 2013. A côté de l'agriculture traditionnelle, le groupe s'est montré très ambitieux sur le développement de la bio : atteindre 6% de la SAU d'ici 2010 et 20% en 2020 en bio, et 20% de produits bio dans la restauration collective d'ici 2012.
Comment ? En relevant le plafond des aides, « en engageant dès 2008 une contractualisation pluriannuelle producteur/distributeur fixant des objectifs quantitatifs » et via des protocoles locaux entre collectivités, comités d'entreprise et profession agricole avec l'élaboration d'un contrat type d'ici la fin 2007 pour la bio dans les cantines. Pour financer ces mesures, la solution proposée par certains serait de relever le niveau de la redevance pour pollutions, mais il s'agit bien sûr d'une mesure non consensuelle. A l'inverse Marie-Christine Blandin, sénatrice du Nord et vice-présidente du groupe 2, propose aux agriculteurs qui baisseraient leurs intrants de leur octroyer des points retraites MSA. « J'appelle chaque Français à s'emparer du débat », a conclu Jean-Louis Borloo à l'issue de la présentation des premières propositions à la presse, qu'il a conviée à déguster un buffet... bio « évidemment ».