50 PREMIERES ENTREPRISES LAITIERES : LA RESTRUCTURATION
Fusons, partenariats, la coopération en mouvement
A côté des importants mouvements de concentration et d’expansion opérés par le secteur privé en 2007 et ce début 2008, notamment à l’international, la coopération confirme sa volonté de jouer un rôle sur l’échiquier du lait et signe des alliances qui seront déterminantes pour rester de la partie.

Des mouvements de restructuration importants ont marqué l’année 2007.
Un des plus médiatisés a été celui résultant de la liquidation de Toury. Une série avec rebondissement qui s’est conclue par la reprise des outils industriels laitiers par le Glac (lait de consommation), Dischamp (fromages), Leche Pascual et vitagermine.
Première conséquence : une nouvelle organisation de l’activité lait de consommation qui avait démarré en 2006 avec l’accord Sodiaal-Orlait. Cette industrie n’est pas pour autant au terme de sa reconfiguration. L’absorption de Toury par le Glac s’avère complexe. Et on peut s’interroger sur l’avenir des différents sites UHT d’une taille modeste qui subsistent dans le Grand- Ouest. Une zone où le groupe Lactalis détient son site de Vitré dans lequel il projette d’investir 15 millions d’euros pour augmenter la capacité de production à 430 millions de bouteilles.
La deuxième conséquence de cette transaction concerne les fromages d’Auvergne et plus particulièrement le saint-nectaire. Dischamp est désormais le premier intervenant sur cette AOC. Cette entreprise familiale a remporté l’affaire de la reprise de Toury en brandissant sa bannière aux couleurs de l’Auvergne. On peut penser qu’elle jouera à nouveau la carte « régionale » si une nouvelle occasion se présentait.
Autres opérations d’envergure : le rapprochement de Sodiaal avec Bongrain dans les fromages et Entremont Alliance dans les poudres. Le pôle fromager (50/50) nouvellement bâptisé CF&R (Compagnie des fromages et Riches Monts), gère 120000 tonnes de fromages et affiche 500 millions de chiffre d’afffaires. Nutribio, détenu à part égale par Sodiaal et Entremont Alliance, produit 40000 tonnes de poudres et réalise un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros. Rappelons que Sodiaal et Entremont Alliance sont par ailleurs partenaires dans la société Beuralia.
Ces deux opérations audacieuses ont été annoncées simultanément à la création de Sodiaal Union, une coopérative unique qui a regroupé les sept coopératives de base à l’origine du groupe.
Des projets ambitieux pour la coopération
Améliorer la gouvernance est en effet le challenge que doit relever la coopération française pour garder une place sur l’échiquier du lait. Ce thème n’est pas nouveau, mais il reste à la une. La FNCL (Fédération nationale des coopératives laitières) en a fait le coeur de son assemblée générale et publié un rapport sur la question invitant les entreprises à s’en saisir. Le rapport aborde bien sûr le management, mais pas seulement. Les stratégies d’alliance sont également considérées comme étant des enjeux importants et des préconisations sont données pour concilier le souhaitable et le possible.
Et pour ceux qui attendaient « la matérialisation » de Laïta à travers le regroupement des outils industriels laitiers des trois coopératives : Even, Terrena et Coopagri, on n’en a jamais été si près. Les freins semblent être levés. Les trois protagonistes seraient en phase de se mettre d’accord sur les parités et les apports de chacun. Les responsables des trois coopératives ont évoqué une société qui reprendrait la totalité des actifs des trois groupes (usines, salariés, fonds de commerce) et une finalisation avant la fin de l’année. Ce rapprochement conduira à la constitution d’un pôle coopératif pouvant rivaliser avec les grands laitiers français. Sa situation géographique dans le Grand Ouest, s, la coopération région vouée à la production laitière, n’est pas sans susciter les convoitises.
Les projections des experts pour la coopération dans l’Ouest sont encore plus ambitieuses. Partant du rapprochement d’Unicopa et de Terrena dans la volaille et dans les approvisionnements, misant sur le fait qu’Unicopa dispose dans le cadre de son alliance avec Entremont, d’une possibilité d’augmenter sa participation dans l’Alliance à hauteur de 50 % (une ouverture à durée limitée), et prévoyant qu’Albert Frère, le financier qui détient aujourd’hui 63,5 % d’Entremont Alliance, pourrait envisager de se désengager, d’aucuns imaginent déjà le nouveau Laïta venant au secours d’Unicopa. Rien ne semble cependant plus complexe pour le moment.
Par ailleurs, un autre pôle coopératif commence à émerger autour d’Eurial Poitouraine. La création de HCI (Herbignac Cheese Ingredients) qui réunit quatre coopératives (Eurial Poitouraine (80 % des parts), Sodiaal, Ingredia et Bonilait) autour de l’usine de mozzarelle qui démarre la fabrication ce mois-ci à Herbignac (photo de couverture), a entraîné la naissance de IDI. Cette société de commercialisation d’ingrédients secs regroupe Ingrédia et Eurial Poitouraine et dès septembre les autres partenaires qui interviennent dans HCI. La constitution du puzzle avance même si les éléments ne sont pas toujours faciles à trouver, ni à placer.
Aucun scénario n'est exclu
Au regard de ces scénarios en construction une question se pose : Quelle sera la place de Sodiaal dans le panorama coopératif qui pourrait émerger en France du fait de ses partenariats avec l’industrie privée ? 3A, son partenaire dans le lait de consommation et les fromages (dans LFO) se pose la question et semble pour l’instant poursuivre sa stratégie d’alliance par métier notamment avec Eurial Poitouraine. 3A vient ainsi de renforcer Bonilait en rachetant à Eurial Poitouraine, l’activité poudre de lactosérum de son site de Belleville-sur-vie en Vendée, dans le but de soulager son outil de Chasseneuil-du- Poitou. En Espagne, sa filiale Alianze 3A commercialise désormais les fromages de LFO (les fromageries occitanes propriété de 3A) et d’Eurial Poitouraine. Il faut aussi citer la participation de 3A et de Bonilait dans HCI et demain dans IDI.
En attendant de nouvelles annonces, les discussions se poursuivent et restent aussi intenses. Les responsables des coopératives n’excluent aucun type d’alliance et aucun scénario. Les partenariats coopératives – industriels privés sont désormais considérés comme faisant partie du modèle laitier français, même si la visée de la coopération laitière française reste l’indépendance, et c’est encore possible mais jusqu’à quand ? Face à l’accélération des mouvements de restructuration en Europe, notamment dans la coopération avec la création d’un nouveau géant laitier : Campina- Friesland, le temps est compté. Les dirigeants des entreprises en sont conscients et considèrent que les hésitations d’hier doivent céder la place à l’action.
RITA LEMOINE
Les principales restructuration en France en 2007 et début 2008
• Création par Bongrain et Sodiaal d’une société commune dans les fromages à la hauteur de 50/50. CF&R est le nom de la nouvelle entité dont le siège est à Puteaux et qui a pour directeur Christian Velay.
• Création de Nutriobio par Entremont Alliance et Sodiaal dans les laits infantiles et diététique (50/50).
• Fusion des 7 coopératives de Sodiaal (Elnor, Est lait, Orlac, RichesMonts, Sully, Tempé lait et Ulcam) pour former Sodiaal Union.
• Rachat de Boursin d’Unilever par Bel qui consolidera la présence de cette marque dans les 35 pays où elle se trouve.
• Reprise de la Blanche Hermine par Lactalis.
• Acquisition par Lactalis de La Belle étoile spécialisée dans la cancoillotte et de Poitrey principal producteur de cancoillotte.
• Achats des compotes Delis par Lactalis.
• Cession de Bongrain Gastronomie à 21 Centrale Partners. Bongrain SA restera actionnaire à hauteur de 20 % dans la nouvelle entité formée par l’acheteur.
• Bongrain acquiert 51 % de Fromapac, société spécialisée dans le frais-emballage.
• Senoble reprend la participation de 3i (25 %) dans son capital.
• Lou Gascon serait en passe de racheter sa voisine, Le Petit Basque, bien que les deux entreprises n’aient pas confirmé l’information.
• Le groupe Danone a vendu sa marque de boissons Danao (mélange de jus de fruits et de lait) aux Cidreries du Calvados la Fermière (CCLF), second producteur de cidre français, qui souhaite renforcer son activité jus de fruits.
Les groupes français poursuivent leur expansion à l’international
• Bongrain a acquis le fromager belge Passendale auprès de Campina.
• Bel s’est implanté en Ukraine et en Iran, a racheté les droits de la marque Gervais en République tchèque et acquis le groupe Jaromericka qui lui permet de doubler la taille de sa filiale tchèque.
• Lactalis poursuit son internationalisation tous azimut. Dans les pays de l’Est, il a racheté le leader serbe Dukat, et a investi, via sa nouvelle filiale, en Macédoine et en Bosnie-Herzégovine. D’autres acquisitions ont été également menées en République tchèque (Mlékárna Kunín et Mlékárna Klatovy), en Ukraine (Fanni), en Pologne (Obory), en Croatie (Mljekara Karlovac), et en Roumanie (LaDorna). Mais aussi au Danemark (l’importateur Delimo), en Algérie (Blida), en Espagne (la marque Mama Luise et une usine à Zamora), aux Etats- Unis (mozzarella fresca) et plus récemment en Suisse (Baer).
• Danone a pris, non seulement le contrôle du groupe néerlandais Numico, leader de la nutrition infantile, mais aussi celui de l’entreprise chilienne Vialat. Il est devenu l’unique actionnaire de l’entreprise japonaise CAD, et a porté sa participation à près de 20 % dans le leader russe Wimm Bill Dann. En parallèle, il a bâti un partenariat en Thaïlande avec Dutch Mill. Danone a, enfin, procédé, aux cours des derniers mois, à des investissements industriels dans une multitude de pays, dont la Turquie, la Russie, l’Ukraine, la Colombie, la France, la Belgique, l’Indonésie. Une zone d’ombre, néanmoins au sein de cette croissance internationale soutenue: le développement de Danone en Chine, qui est visiblement compliqué à mener. Le groupe français renonce, en effet, fin 2007, à son partenariat avec Mengniu dans les produits ultrafrais, et cède sa participation dans Bright Dairy.
• Euroserum filiale d’Entremont Alliance a acquis les activités laitières de Rocarfort (Montforte - Espagne). La nouvelle entité s’appellera Euroserum Iberica et aura un chiffre d’affaires environ 50 Mn€. Son activité sera centrée sur la collecte de lait en Espagne, la fabrication et la commercialisation de beurre et de poudres de lait et de lactosérum.
• Senoble a racheté, au fonds d’investissement Primary Capital, la société Elisabeth The Chef, numéro deux des desserts et pâtisseries fraîches au Royaume- Uni, créée en 1928, qui emploie plus de 1 000 salariés, dispose de trois usines et devrait réaliser un chiffre d’affaires de EUR 100 Mn en 2007 (+21 %). Le groupe familial a aussi acquis l’entreprise slovaque Gemerska Mliekaren qui collecte 65 millions de litres de lait par an, produit annuellement 5000 tonnes de lait en poudre et 2000 tonnes de beurre, emploie 85 personnes et réalise un chiffre d’affaires de EUR 23 mn. Au début de l’année 2008, le groupe français Senoble a racheté la société italienne Caseificio Bergamin qui fabrique des yaourts et des fromages frais.
RITA LEMOINE